Quand l’analyse de la matérialité des faits démontre la fausseté d’un témoignage qui paraît si vrai :
Le déporté Filip Müller et les fosses des crématoires IV et V à Auschwitz
Il est souvent difficile de contester le témoignage d’une personne qui raconte une terrible aventure en adoptant un ton neutre et en donnant un luxe de détails. Le sceptique est immédiatement taxé de manquer de cœur et d’être de mauvaise foi :
Le témoin à déjà suffisamment souffert et vous ajoutez à son chagrin la douleur de voir sa parole mise en doute ! Et puis, pourquoi aurait-il inventé tout ça ? comment osez-vous prétendre qu’il ment ? ce qu’il dit est si précis..
Et pourtant..
Le texte ci-dessous est extrait de la version française du livre de Filip Müller intitulé : Trois ans dans une chambre à gaz d’Auschwitz. Le témoignage de l’un des seuls rescapés des commandos spéciaux (éd. Pygmalion, Paris, 1980).
Dans la préface au livre, Claude Lanzmann présente l’auteur comme un ancien membre du Sonderkommando d’Auschwitz, « à ce titre témoin direct pendant près de trois ans de l’anéantissement du peuple juif d’Europe ». Il aurait participé à la crémation des gazés, d’abord dans les fours crématoires puis dans les gigantesques fosses à ciel ouvert. Ayant « échappé par miracle aux cinq liquidations organisées du commando spécial d’Auschwitz » et survécu à la déportation, il se serait tu pendant trente ans avant, enfin, d’accepter de raconter son histoire.
Publié à l’époque où débutait l’affaire Faurisson, le témoignage de F. Müller reçut un excellent accueil chez les exterminationistes. L’historien de l’ « Holocauste » et professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem, Yehuda Bauer, déclara :
Le livre de Filip Müller est un document unique. En prendre connaissance est un devoir, si nous voulons assurer la survie de notre civilisation[1].
De son côté, C. Lanzmann affirma que « chaque épisode » décrit par le miraculé d’Auschwitz était « marqué du sceau du vrai » (préface du livre) et que ce témoignage viendrait répondre, sur le plan technique, aux « révisionnistes » :
[L’ouvrage de F. Müller] répond en effet à tous ceux qui, érigeant leur ignorance, leur refus de s’informer, leur mauvaise foi et leur antisémitisme masqué en motifs de méfiance « révisionniste », posent aujourd’hui avec des ricanements d’esprits forts la question du « comment » de ce « pourquoi », autrement dit celle de la possibilité technique d’un pareil massacre de masse.
N’ayant pas le courage de proclamer carrément : « tout ceci est une fable », et sous couvert d’investigation scientifico-matérialiste, ils s’attaquent à ce qu’ils croient être le maillon faible de la chaîne - la technique - pour jeter le doute sur la réalité de l’extermination.
Là-dessus, cent mille livres déjà, qu’ils n’ont pas lus, avaient pourtant été écrits, la littérature holocaustienne, abyssale comme l’Holocauste lui-même, présentait les preuves les plus irréfutables : les archives intactes de la bureaucratie nazie, celles de Korrherr, le statisticien personnel de Himmler, les factures, les bons de commande, les noms des firmes qui construisirent les installations de mort, qui livrèrent par tonnes les cristaux de gaz Zyklon B, les quarante-deux volumes des procès de Nuremberg, les actes des centaines de procès qui suivirent, ceux du procès Eichmann, les confessions des tueurs ou les mémoires des survivants, pour ne rien dire de l’admirable et colossale historiographie américaine et israélienne auprès de laquelle la française fait figure d’abécédaire. J’en passe.
Mais puisqu’il faut parler technique, Filip Müller, le plus humain des humains, fut lui-même un technicien de la mort de masse : il a participé à toutes les opérations de la phase ultime du processus de destruction : il a chauffé les quarante-cinq fours géants - orgueil des établissements « Topf und Sohn » d’Erfurt - des crématoires II, III, IV et V de Birkenau, il les a réparés, nettoyés, tisonnés pour en évacuer la suie grise qui s’y déposait après chaque « action » ; il a placé les cadavres - trois par trois tête-bêche, un plus gras un plus maigre - sur des glissières qu’il enfournait, arc-bouté, dans les gueulons incandescents ; et quand « Topt und Sohn », qui n’avait jamais prévu pareille « surchauffe », n’y suffisait pas, quand la terre réfractaire des fours ne tenait pas les cadences folles imposées à partir du 15 mai 1944 par l’arrivée massive des juifs de Hongrie et la nécessité d’en exterminer 450 000 en 55 jours, Filip Müller a édifié les bûchers dans les fosses ouvertes tout autour du crématoire V : une couche de cadavres, une couche de bois, une couche de cadavres, disposées selon les règles de l’art afin que l’air circule librement ; il a vu l’Oberscharführer Moll arpenter pensivement le fond des fosses et, trouvant soudain la solution de son problème, faire creuser des rigoles d’une pente constante pour que puisse s’évacuer la graisse juive en fusion […]. [pp. 10-11]
Il est vrai que F. Müller avait adopté un ton si neutre et décrit son expérience avec un tel luxe de détails qu’on ne pouvait, à priori, le soupçonner de mensonge ou d’exagération. Voici, par exemple, comment il racontait l’aménagement et l’utilisation des fosses de crémation à Auschwitz-Birkenau en 1944 (pp. 177-186 de son livre) :
Les deux fosses que nous venions d’achever avaient environ 40 à 50 mètres de longueur, près de 8 mètres de largeur et 2 mètres de profondeur. Mais elles n’étaient pas, pour autant, prêtes à entrer en service. Après l’achèvement du gros œuvre, il fallait s’occuper de l’exécution des détails imaginés par Moll [SS chargé des crématoriums à Auschwitz].
Accompagné de son adjoint Eckard, l’ingénieur des travaux de la mort descendit dans le fond de l’une des fosses où il traça deux raies avec un espace de 25 à 30 cm entre elles qu’il prolongea dans le sens longitudinal. Il fallait maintenant creuser à cet emplacement, en suivant son tracé, un caniveau en pente depuis le milieu de la fosse, vers les deux côtés opposés, pour l’écoulement de la graisse des cadavres au moment de leur combustion ; deux réservoirs placés à l’extrémité des rigoles devaient recueillir cette graisse.
Pour exécuter ce travail on fit descendre dans le fond de l’excavation un groupe de détenus. Equipés de pelles, de bêches, de marteaux piqueurs, de truelles, de briques de ciment et de citernes, ils comprirent bientôt qu’on voulait récupérer la graisse humaine comme combustible pour effacer aussi vite que possible les traces des meurtres. C’était vraiment effrayant ! Indignés mais impuissants, nous assistions tous aux préparatifs de la tragédie dont nous allions devenir contre notre gré les acteurs. N’entendant plus parler du monde extérieur, nous étions comme paralysés et nous sentions, de jour en jour, moins capables de résister. Le moindre refus de travail, d’ailleurs, la moindre hésitation de notre part aurait signifié notre condamnation à mort immédiate sans que cela pût, en quoi que ce fût, modifier le cours des événements. Il ne nous restait donc rien d’autre à faire que descendre le long d’une mince corde dans le fond de la fosse.
Après avoir fini de donner ses instructions, Moll s’en alla. Les chefs des commandos couraient le long des remblais des fosses d’où ils dirigeaient le travail des détenus. J’avais pu, pour ma part, échapper à la construction des « aménagements techniques » des fosses, mon rôle consistant uniquement à enlever dans des brouettes la terre, que l’on entassait sur les bords.
Moll revint quelques heures plus tard. Il se rendit directement à l’une des deux fosses, descendit alertement et, arrivé dans le fond, courut vers le centre dans un dessein bien déterminé, regardant à droite, puis à gauche en direction du caniveau. Visiblement il paraissait chercher la solution d’un problème épineux. Soudain, il demanda quelques seaux d’eau. S’étant emparé du premier qu’on lui tendait, il s’inclina et projeta l’eau d’un seul élan dans le caniveau. Il demeura immobile un instant dans sa position courbée en observant attentivement le ruissellement de l’eau, puis posa le seau à côté de lui. Je le regardais faire de mon côté avec curiosité du haut de la fosse, mais je compris bientôt que les choses allaient mal tourner. L’eau, en effet, ayant débordé avant d’arriver jusqu’à la citerne située sur le côté latéral de la fosse, reflua lentement et devint stagnante. Alors une tension à peine supportable s’empara de nous. Dans l’attente de sa réaction nous avions les yeux rivés sur lui. Lorsqu’il se rendit compte que l’inclinaison du caniveau était insuffisante, il saisit le seau et le lança sauvagement à la tête des détenus qui se trouvaient à sa portée. Les chefs des commandos, contraints d’imiter leur chef, sautèrent dans la fosse et frappèrent à leur tour avec leur matraque tous ceux qui se trouvaient devant eux.
Il était déjà tard, les commandos de corvée étaient déjà rentrés au camp, mais pour nous, c’était une nuit de travail en perspective. Comme l’obscurité gagnait, on installa des projecteurs pour éclairer les fosses. Moll avait lui-même passé un treillis de monteur et mettait la main à la pâte avec Eckard. A l’aide d’un niveau d’eau, d’une règle d’arpenteur et d’autres outils, il rectifiait la pente du caniveau et surveillait l’ensemble du chantier.
Lorsque tout fut terminé, il se fit apporter une nouvelle fois des seaux d’eau et recommença ses essais. Il demeura immobile quelques secondes penché en avant, observant avec la plus grande attention le mouvement de vidange de l’eau, continuant sa vérification avec le contenu de tous les seaux qu’on lui avait apportés, jusqu’au dernier. Ayant terminé, il courut jusqu’à l’une des deux citernes sur la partie frontale de la fosse et constata cette fois avec satisfaction que l’eau s’était complètement écoulée et qu’elle se déversait normalement dans les réservoirs. Il se dirigea alors avec plus de calme vers la deuxième citerne située du côté opposé, pour s’assurer de la réussite complète de l’essai. Paraissant satisfait, un sourire fugitif glissa sur ses lèvres. Il était visiblement soulagé d’un grand poids. Il avait cependant encore des doutes. Les installations d’incinération allaient-elles fonctionner comme il se l’imaginait ? La graisse bouillante se comporterait-elle comme de l’eau ? « J’en suis convaincu, Herr Hauptscharführer ! », lui répondit Eckardt en essayant de le rassurer sans toutefois dissiper entièrement ses doutes.
Moll semblait encore hésiter. Scrutant le fond de la fosse, il resta un long moment debout à ruminer ses pensées sans dire un mot. Epuisés, nous attendions avec anxiété ce qui allait s’ensuivre. Il était plus de minuit. Enfin, Moll donna l’ordre de retourner au camp. Pour l’instant, étions délivrés.
Quelques jours plus tard, il fit creuser à l’arrière du crématoire V trois autres fosses d’incinération. Il avait donc là maintenant à sa disposition cinq fosses. De plus, l’ancienne ferme située à l’ouest des crématoires IV et V, qui avait déjà été utilisée comme chantier d’anéantissement en 1942, fut remise en service sous la désignation de bunker et on adjoignit aux quatre locaux servant de chambres quatre fosses d’incinération. Les vestiaires dans lesquels les victimes se débarrassaient de leurs vêtements avant furent transférés dans trois baraques en bois. On avait renoncé aux portemanteaux numérotés, aux autres camouflages sous forme de panneaux, ainsi qu’aux autres supercheries. Les fours des crématoires furent ainsi complétés en peu de temps par neuf importantes installations d’incinération où l’on pouvait maintenant réduire en cendres un nombre presque illimité de cadavres.
Moll, spécialiste de l’abattage des hommes en masse, s’orienta alors vers une autre activité. Sa technique d’anéantissement consistait à transformer une superficie relativement faible en un emplacement où l’on pouvait faire disparaître, en un très court laps de temps, des milliers de corps. En comparaison de ce qu’il avait imaginé et de ce qu’il commençait à réaliser, « l’Enfer » de Dante n’était qu’un jeu d’enfant.
D’autre part, la direction S.S. du camp avait toujours veillé strictement à ce qu’il ne subsistât aucune trace des crimes qui se perpétraient ici, on jetait les cendres humaines, à intervalles réguliers, dans les étangs voisins ou dans la Vistule.
C’est pourquoi, afin d’éliminer rapidement et discrètement les résidus en provenance des crématoires et des fosses, Moll fit construire à côté de celles-ci une plate-forme bétonnée d’environ 60 m de longueur et 15 m de largeur sur laquelle les cendres étaient finement pulvérisées avec des dames massives. Au cours de ces travaux de bétonnage, l’anéantissement des juifs hongrois battait son plein. Il s’accomplissait à un rythme inconnu jusqu’à ce jour. Onze mois avant la fin de la guerre, de longs convois de chemin de fer faisaient constamment la navette entre la Hongrie et Birkenau. On utilisait pour ces transports tout le matériel ferroviaire disponible réservé au trafic militaire. Presque chaque jour, plusieurs trains de quarante à cinquante wagons à bestiaux arrivaient à Birkenau, à proximité de la nouvelle rampe d’accès, de construction récente. Les wagons dans lesquels les hommes étaient parqués, étaient verrouillés et on ne les ouvrait qu’arrivés à destination. Ils souffraient d’une soif ardente, car pendant le voyage qui durait plusieurs jours, on ne leur avait rien donné à boire. Nombreux étaient donc ceux qui périssaient pendant le trajet à la suite d’insupportables tourments.
Les déportés « sélectionnés » se traînaient alors en longues colonnes le long de la route les conduisant à l’usine de la mort complètement épuisés et abattus, se doutant bien qu’ils effectuaient leur dernier voyage. Des mères poussaient des voitures d’enfant devant elles, d’autres conduisaient à la main des enfants un peu plus grands qui pouvaient déjà courir. Des jeunes gens aidaient des personnes âgées et malades et les soutenaient dans leur marche, un grand nombre d’entre eux s’étant intégrés dans cette procession funeste après avoir supplié sur la rampe les S.S. de ne pas les séparer de leurs parents infirmes et dans la détresse. Ils n’auraient, hélas, plus besoin d’aucune aide quelques heures plus tard !
L’itinéraire de ces malheureuses victimes passait à travers des fils de fer barbelés qui s’étendaient sur la droite et sur la gauche, fixés à intervalles réguliers sur des poteaux de béton peints en blanc. Derrière ces barbelés des silhouettes émaciées en uniforme zébré allaient et venaient sans paraître remarquer les nouveaux arrivants ni s’intéresser à eux.
Le spectacle qui s’offrait aux arrivants, aussi bien le jour que la nuit, était si désolant que la plupart sombraient dans une profonde apathie sans porter la moindre attention à ce sinistre environnement. Souffrant surtout pendant la grande chaleur de l’été d’une soif affreuse, l’obsession de l’eau occupait seule leurs pensées. C’est dans cet état physique lamentable que deux mille hommes environ arrivèrent à l’aube d’une chaude journée d’été de juin 1944, dans la cour antérieure du crématoire V. De là ils furent conduits entre une double haie de S.S. jusqu’au bosquet voisin.
Ils se trouvaient alors à une centaine de mètres des fosses, mais la haie formant écran, de près de 3 mètres de hauteur, leur barrait la vue. De plus les sentinelles S.S., prêtes à tirer, empêchaient qu’ils ne s’approchent de trop près et qu’ils n’aient un aperçu de l’enfer à travers les fentes des haies.
Un feu infernal grondait derrière la haie, projetant vers le ciel une torche gigantesque qui répandait aux alentours, dans toute la campagne, une épaisse fumée noirâtre, visible de très loin.
Le crépitement de la fournaise, ses pétillements, ses sifflements, le grésillement du foyer composaient le plus horrible des accompagnements. Qui cependant, parmi ces malheureux, aurait pu imaginer une seconde que l’odeur douceâtre qui imprégnait l’air provenait de l’incinération de milliers d’hommes assassinés et qu’ils allaient eux-mêmes, quelques instants plus’ tard, subir le même sort ?
Ce matin-là, donc, les candidats à la mort réunis dans ce bosquet attendaient pour être gazés que les victimes de la nuit précédente aient été rejetées hors de la chambre à gaz..
De temps en temps Moll venait jeter un coup d’œil dans le petit bois, invitant les gens à prendre patience et leur promettant qu’on leur apporterait bientôt à boire.
Depuis la veille, trois transports, se succédant toutes les quatre heures environ, avaient été engloutis dans les chambres à gaz du crématoire V.
Eckardt venait aussi s’adresser en hongrois à la foule, tentant également de remonter le moral des détenus qui souffraient d’une telle soif que certains pour apaiser leurs tourments en étaient réduits à lécher l’herbe de la pelouse. Mais il savait parfaitement que tous reprendraient goût à la vie et espoir si on les laissait étancher leur soif. Cette souffrance collective s’inscrivait dans le programme d’anéantissement. Il paralysait ainsi toute faculté de perception et de volonté de résistance, permettant à la gigantesque machinerie de destruction humaine de fonctionner à plein rendement.
Aux premières lueurs de l’aube on mit le feu aux deux fosses dans lesquelles on avait amoncelé environ 2500 corps ; deux heures après, ils étaient devenus méconnaissables. Les flammes incandescentes enveloppaient d’innombrables troncs carbonisés et desséchés. Leur couleur noire phosphorescente montrait que leur incinération était déjà assez avancée. La combustion devait être entretenue de l’extérieur car le bûcher, qui, au début, s’élevait à un demi-mètre au-dessus du bord de la fosse, s’était entre-temps affaissé au-dessous de ce niveau.
Contrairement à ce qui se passait dans les crématoires où la chaleur pouvait être maintenue à l’aide de ventilateurs, dans les fosses au contraire, lorsque le matériel humain avait pris feu, la combustion ne pouvait être maintenue que dans la mesure où l’air circulait entre les corps. Comme à la longue le monceau des corps avait tendance à se recroqueviller, en l’absence de toute arrivée d’air de l’extérieur, l’équipe des chauffeurs dont je faisais partie devait sans arrêt répandre sur la masse de l’huile, du méthanol, ou de la graisse humaine en ébullition, recueillie dans les citernes du fond de la fosse, sur les deux faces latérales. A l’aide de longues spatules de fer recourbées à leur extrémité comme des cannes de touristes on prélevait dans des seaux la graisse bouillante, en prenant soin de se protéger les mains avec des mitaines.
Après avoir déversé la graisse dans la fosse, dans tous les endroits possibles, des jets de flammes s’élevaient en sifflant et en crépitant. D’épaisses volutes de fumée obscurcissaient l’air en répandant des odeurs d’huile, de graisse, de benzol et de chair brûlée. L’équipe de jour composée d’environ 140 détenus travaillait dans le secteur des crématoires IV et V. Environ 25 porteurs de cadavres étaient occupés à évacuer les corps des trois chambres à gaz du crématoire V et à les traîner jusqu’aux fossés.
Dix dentistes et coiffeurs étaient chargés d’enlever les dents en or, les objets précieux dissimulés dans les parties intimes des corps et de couper les cheveux des femmes.
Vingt-cinq autres porteurs de cadavres devaient entasser les morts dans les fosses sur trois couches au-dessus du combustible. Une quinzaine de chauffeurs disposaient celui-ci dans les fosses, allumaient le feu et l’entretenaient pendant la combustion. Ils attisaient le feu en fourrageant entre les corps avec des ringards, et versaient sur le foyer de l’huile, du méthanol et de la graisse humaine. Le commando d’incinération comptait environ 35 hommes. Quelques-uns enlevaient les cendres à la pelle et les transportaient jusqu’au dépôt des scories. Les autres pilonnaient les restes en les pulvérisant.
Un petit groupe de détenus chargeaient sur des camions les vêtements abandonnés dans le vestiaire, les souliers et autres biens personnels des victimes et effectuaient d’autres menus travaux. Le restant des détenus étaient employés au crématoire IV où se poursuivait le travail habituel.
Cette répartition des tâches était cependant fréquemment modifiée lorsque, dans un secteur quelconque, des effectifs nouveaux devenaient indispensables. Il arrivait assez souvent que des chauffeurs fussent détachés dans un commando de corvée au crématoire pour débarrasser le vestiaire ou pour traîner des corps.
La répartition du travail de l’équipe de nuit était semblable à celle de l’équipe de jour. L’effectif du commando était cependant la plupart du temps réduit de moitié ; dans un dessein de sécurité antiaérienne, on n’allumait aucun feu de nuit dans les fosses. Les chauffeurs devaient alors commencer les opérations d’incinération au lever du jour.
Dans une troisième fosse, on nous faisait dresser un nouveau bûcher. On superposait des morceaux de planches sciées, des pièces de bois, de vieilles traverses de chemin de fer. On ajoutait des copeaux de sciure et l’on recouvrait le tout de branches de sapin desséchées ; sur cette masse de combustible, les porteurs de cadavres entassaient environ 400 morts sur quatre rangées, allongés les uns à côté des autres, le visage tourné vers le haut. La couche suivante, servant de matériel de combustion, était composée comme la précédente et recouverte de ramilles de sapin. On disposait par-dessus une nouvelle couche d’environ 400 cadavres alignés sur quatre rangées, les uns à côté des autres. Après répétition de ce « mode de travail », une nouvelle fois, on avait finalement entassé 1 200 morts en trois couches successives. Entre-temps, les chauffeurs avaient enduit d’huile et de méthanol des morceaux d’étoffe et de chiffons et ils devaient mettre le feu en plusieurs endroits convenus. [voir les pages 180, 181, 182, 183, 184 et 185]
Dans ce récit d’apparence si authentique, F. Müller livrait plusieurs détails intéressant :
- L’action se passait « onze mois avant la fin de la guerre », soit en mai 1944 ;
- Elle se poursuivit en juin 1944 ;
- Chaque jour, « plusieurs trains » comportant 40 à 50 wagons arrivaient, remplis de juifs de Hongrie dont une grande partie allait aux crématoires ;
- Cinq fosses ont été creusées, deux pour le crématoire IV et trois pour le V ;
- Il en sortait des flammes gigantesques et de la fumée, « visibles de très loin » ;
- 140 détenus assuraient, le jour, le bon fonctionnement du processus de gazage, ramassant les vêtements des victimes, traînant les corps jusqu’aux fosses, les installant dans celles-ci, allumant et entretenant le feu.
Maintenant, voici trois fragments de clichés pris par les avions alliés au-dessus de Birkenau les 31 mai, 26 juin et 13 septembre 1944[2]. De façon évidente, on ne distingue :
- Aucun groupement humain qui aurait pu correspondre à des juifs hongrois en attente d’être gazés ;
- Aucune fosse ou trace de fosse ;
- Ni flamme, ni fumée ;
- Aucune activité qui pourrait laisser penser que plus d’une centaine d’hommes s’affairaient autour des crématoires.
La conclusion s’impose : F. Müller n’est qu’un fabulateur, et son témoignage d’apparence si vrai n’est qu’un tissu de mensonges.
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[1] Voy. F. Müller, Trois ans, quatrième de couverture.
[2] Extraits de John C. Ball, La preuve par la photographie aérienne (éd. du VHO, 2000), pp. 39 et 58 (cliché du 31 mai 1944), 70 (cliché du 26 juin 1944) et 50 (cliché du 13 septembre 1944).