Dès 1933, les Juifs sont mis au ban de la société [allemande] car l’antisémitisme est au centre de la conception nazie du monde.

Sur la « Nuit de cristal »

Contradiction flagrante de la thèse officielle

Dans un document intitulé : « Comment on en arrive là ? », publié par le Conseil régional d’Ile-de-France pour « la journée de la mémoire de l’Holocauste et de la prévention des crimes contre l’humanité dans les établissements scolaires, le 27 janvier 2004 », on lit en première page :

Dès 1933, les Juifs sont mis au ban de la société [allemande] car l’antisémitisme est au centre de la conception nazie du monde. Exclus de toute vie économique et sociale, spoliés, marqués par une étoile jaune, les Juifs allemands, puis polonais et ceux de toute l’Europe sont regroupés dans des camps ou des ghettos.

Or, que lit-on trois pages plus loin, dans le glossaire ?

Nuit de Cristal : dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, des militants nazis, bénéficiant de la complicité active des autorités, dans toute l’Allemagne, saccagent 7 500 magasins appartenant à des Juifs, détruisent 191 synagogues et tuent 91 Juifs, en blessent une centaine d’autres.

Comment un groupe « exclu de tout vie économique et sociale » pouvait-il encore posséder, cinq ans plus tard, des milliers de magasins « dans toute l’Allemagne » ?

Il y a là une contradiction manifeste qu’aucun des auteurs du document de semble avoir remarquée.

Une statistique peu connue

Notons en passant une statistique peu connue :

- En 1933, en Allemagne, il y avait environ 13 % de médecins juifs ou mariés à des juives (6 480 sur un total de 50 000) ;
- En 1937, cette proportion était encore de 10 % (3 748 médecins juifs établis sur un total de 37 535 médecins établis)[1].

Nouvelle preuve que, jusqu’en 1938 au moins, les juifs n’avaient pas été mis au ban de la société.

Après la « Nuit de cristal », J. Goebbels lança un appel au calme

Soulignons également que, dès le 10 novembre 1938, J. Goebbels lança un appel au calme à la population, appel s’exprimait en ces termes :

L’indignation légitime et compréhensible du peuple allemand au sujet du lâche assassinat juif d’un diplomate allemand à Paris s’est exprimée largement au cours de la nuit dernière. Dans de nombreuses villes et localités du Reich, des actions de représailles ont été entreprises contre les édifices et magasins juifs.
La population tout entière est maintenant invitée à s’abstenir immédiatement de toute autre manifestation ou action, quelle qu’elle soit, contre les Juifs. La réponse définitive à l’attentat de Paris sera donnée aux Juifs par la loi ou par voie d’ordonnances[2].

La malhonnêteté des historiens

En vérité, sur ce sujet comme sur bien d’autres, les fanatiques de la Mémoire agissent malhonnêtement : ils généralisent abusivement et peignent un tableau soit tout en noir, soit tout en blanc, feignant d’oublier qu’une situation offre très souvent des aspects multiples et parfois contradictoires.

L’antisémitisme dans l’Allemagne hitlérienne n’échappe pas à la règle : sous Hitler, des antisémites fanatiques qui voulaient exclure totalement les juifs de la vie économique côtoyaient des nationaux-socialistes qui n’étaient nullement obsédés par la question juive.
Un simple exemple illustrera mon propos.

Le 23 juillet 1934, environ 100 000 membres de la Jeunesse hitlérienne écoutèrent le discours que le Gauleiter Grohé prononça au terme de la « Semaine culturelle ». Adepte d’un antisémitisme radical, l’orateur lança notamment :

Tout jeune homme allemand et toute jeune fille allemande doit avoir honte de jeter un regard un tant soit peu amical sur un Juif. Celui qui fait un achat chez un commerçant juif, celui qui consulte un médecin juif ou un avocat juif souille l’honneur allemand. Notre respect de nous-même et notre sens humain nous commandent de traiter les Juifs en ennemis[3].

Cité seul, ce discours renforce l’image d’une Allemagne en proie au fanatisme antisémite, une Allemagne dans laquelle les juifs étaient persécutés, traqués, exclus. Mais dans un pays où, dit-on, la presse était entièrement aux mains du pouvoir, voici ce que déclara trois jours plus tard la Frankfurter Zeitung :

Le propriétaire non-aryen d’une firme a, aujourd’hui, incontestablement le même devoir que le propriétaire aryen : contribuer pour sa part à la renaissance de la vie économique et à la lutte contre le chômage.
Pour produire, pour occuper des employés et des ouvriers, il faut qu’il vende. Alors où cela va-t-il mener, si tant d’autorités locales continuent toujours à publier des appels invitant les individus de race aryenne à éviter les firmes et les magasins juifs ?
Les formes dans lesquelles on le fait passent par tous les degrés : de la clarté, de la publication sans commentaires de longues « listes de juifs », où sont énumérées toutes les firmes non-aryennes de la région, jusqu’à la menace de publier à l’avenir les noms de tous ceux qui ont acheté ou fait acheter chez les Juifs.
Tout dernièrement, les comptes rendus d’une grande démonstration nous apprenaient que l’on y avait choisi la formule suivante : celui qui achète chez un Juif, consulte un médecin juif ou un avocat juif, souille l’honneur allemand.
Sans tenir compte que les conséquences d’une telle attitude ne seraient guère favorables à l’économie allemande, il reste encore un problème : selon la volonté du gouvernement du Reich, les non-aryens ne doivent pas être anéantis en Allemagne, mais ils ont, comme tous les autres hommes, la mission de vivre et de travailler.
C’est une chose qui est, à ce qu’il semble, méconnue de certaines autorités locales.
Maintenant que les Allemands non-aryens ont été exclus de toutes les professions auxquelles l’État accorde une importance particulière pour la reconstitution politique et morale, il faudrait que vienne une époque où les non-aryens fussent assurés de trouver un cercle d’action, où ils fussent libres de leur activité et où ils ne fussent pas représentés aux yeux du peuple comme des « ennemis ».
Cela semblerait conforme à la volonté du gouvernement du Reich, car il n’est pas admissible qu’il ait pensé à une autorisation « légale » sans possibilité pratique, quand il a permis de faire pour les médecins et les avocats non-aryens une série d’exceptions et quand, par la circulaire bien connue du docteur Frick, il s’est opposé à ce que la législation relative aux Aryens fût étendue à l’économie libre. On se souviendra en outre qu’il n’y a pas longtemps, à l’occasion de « l’offensive de printemps de l’artisanat, de l’industrie et du commerce de détail allemand », toute propagande de boycottage antisémite a été interdite[4].

On le voit : bien que les juifs aient été écartés de certaines professions, il n’était pas question de les réduire à la misère. Notons d’ailleurs qu’en août 1935, suite à la publication d’une directive qui créait des écoles spécifiquement juives, l’État spécifia clairement :

L’enseignement dans ces écoles devra être confié de préférence aux maîtres mis à la retraite par anticipation en vertu de la loi sur l’origine aryenne des fonctionnaires[5].

Sur ce sujet comme sur bien d’autres, l’histoire vraie est encore à écrire..

____________________________________________________________________________

[1] Voy. le Bulletin périodique de la presse allemande, n° 487, p. 21, col. B.
[2] Voy. le Völkischer Beobachter, 11 novembre 1938.
[3] Voy. le Bulletin périodique de la presse allemande, n° 439 (1934), p. 24.
[4] Voy. la Frankfurter Zeitung, 26 juillet 1934, cité par le Bulletin périodique.., n° 439 (1934), pp. 24-25.
[5] Voy. le Bulletin périodique.., n° 452 (1935), p. 29, col. A.

Share on FacebookTweet about this on TwitterShare on Google+