En pénétrant en Irak début août 1990, Saddam Hussein n’a fait que reprendre son bien..

Le lecteur trouvera ci-après une lettre envoyée à Vincent Reynouard le 13 février 2004 et la réponse de ce dernier. Nous avons publié cet échange car il nous paraît important.

La lettre du lecteur :

Monsieur,

En tant que « révisionniste », vous vous flattez de toujours être « objectif », c’est-à-dire de revenir aux causes premières et lointaines des événements afin de démontrer qu’on nous ment et que le camp du bien n’est pas là où la majorité le croit.
Depuis près d’un an, vous prenez la défense de Saddam Hussein en dénonçant l’action des Américains dans le Golfe. Puis-je vous rappeler que, jusqu’en 1990, S. Hussein était courtisé par beaucoup de pays occidentaux (dont la France et les USA) ? Si tout a changé, c’est parce qu’en 1991, le dictateur irakien a brutalement envahi le Koweït. La cause première, elle est là.
Oh ! je sais que S. Hussein et T. Aziz ont tenté de justifier cette agression en déclarant que, historiquement, le Koweït était une partie de l’Irak. Mais personne n’a été dupe ! Le Koweït est un État indépendant et souverain depuis plusieurs siècles. Pour vous en convaincre (mais je suppose que vous l’êtes déjà), je vous conseille la lecture de l’étude historique parue sur le site de l’État koweïtien ; les auteurs rappellent opportunément :

[…] le Koweït n’[a] jamais été dépendant de l’Irak […].
Dès sa création, il y a plus de trois siècles, le Koweït fit preuve de son indépendance dans plusieurs domaines, comme le montre la prise autonome de ses décisions indépendantes dans le cadre de son entité politique et juridique et loin de toutes sortes d’influences extérieures […].
Le 23 janvier 1899, le Koweït et la Grande-Bretagne signèrent le traité du protectorat qui contribua à protéger le Koweït contre les convoitises des pays étrangers [Voy. le site de l’État du Koweït, étude intitulée : « Motif des prétentions irakiennes au Koweït ».].

C’est clair, net et imparable.
Par conséquent, la cause première des malheurs de l’Irak, ce n’est pas l’uranium appauvri, c’est la politique agressive de S. Hussein contre un petit État voisin souverain qui ne lui avait rien fait, une politique qui violait aussi bien le Droit international que la morale chrétienne à laquelle vous vous référez si souvent. Cela, vous le savez parfaitement.
Mais votre anti-américanisme primaire (qui ne me surprend pas, ce sont les USA qui nous ont débarrassés des nazis que vous aimez tant) votre anti-américanisme, dis-je, vous aveugle. Pour vous, les Américains doivent toujours avoir tort ; ils doivent toujours être les « méchants », les criminels.. Et pour le « démontrer », vous oubliez cette fois vos principes : vous ne remontez pas à la cause première ; vous oubliez l’invasion brutale du pacifique Koweït et vous préférez consacrer un numéro entier à l’uranium appauvri. En agissant ainsi, vous apparaissez tel que vous êtes réellement : un historien partisan, qui se moque totalement de l’objectivité.

La réponse de V. Reynouard

Cher Monsieur,

Conformément à une habitude qui m’a été donnée par le professeur Faurisson, j’irai directement au cœur du problème. Cela n’empêchera pas ma réponse d’être relativement longue, mais la gravité de vos accusations rend ma démarche nécessaire. Je tiens à ne rien laisser dans l’ombre.

Vous fondant sur les allégations du site Internet de l’État du Koweït, vous ressortez le sempiternel argument de l’autonomie séculaire du Koweït dont la preuve magistrale aurait été apportée en 1899 avec la signature du fameux traité de protection. Vous le qualifiez de « clair, net et imparable ».
Cependant, tournons-nous maintenant vers l’ancien Secrétaire général de l’ONU, Boutros Boutros-Ghali. Dans l’introduction d’un livre qui deviendra probablement la base de l’histoire officielle, il écrit :

Du temps de l’Empire ottoman, le Koweït relevait pour sa part de l’autorité d’un cheik, le degré de son intégration à l’Empire fluctuant en fonction, pour une part, de l’évolution des échanges commerciaux dans la région du Golfe. Un lien a donc effectivement existé par moments entre les autorités ottomanes de la ville de Bassora (qui fait maintenant partie de l’Iraq) et le Koweït. En 1899, le cheik du Koweït était néanmoins suffisamment indépendant pour conclure avec le Gouvernement britannique des accords de défense le mettant à l’abri de la menace que constituaient les guerriers nomades et une domination ottomane de plus en plus pesante. Ces accords furent consignés dans un traité secret qui donnait au Royaume-Uni le contrôle des affaires extérieures du Koweït sans pour autant établir officiellement un protectorat britannique sur le territoire[1].

Ce texte appelle deux remarques principales :

1) B. Boutros-Ghali admet qu’un lien a effectivement existé entre le Koweït et Bassora. Mais il n’en précise pas la nature.
2) L’auteur prétend que le Koweït était « suffisamment indépendant » pour signer un traité international, mais il précise que ce traité fut gardé « secret » et que le protectorat n’était pas officiel. Or, pourquoi cacher un accord qui n’était dirigé contre personne et, surtout, qu’est-ce qu’un protectorat non-officiel ?

Toutes ces bizarreries doivent inciter à la prudence. Pour bien comprendre la situation, un rapide retour dans le passé s’impose.

Survol historique

L’Irak jusqu’au début du XXème siècle


L’Irak est une partie de l’ancienne Mésopotamie (voir carte de l’Irak), région qui connut une histoire mouvementée.
Après avoir été le siège de grandes dynasties, puis l’enjeu de guerres entre les Romains et les Parthes, elle fut conquise par les Arabes au VIIème siècle. Les Abbassides fondèrent Bagdad qui devint leur capitale en 762. Le nom Al-Iraq date de cette époque. Suivit l’invasion turque (XIème siècle) puis les occupations mongoles plus ou moins éphémères (XIIIème-XVème siècles), l’époque de domination persane et, enfin, la reconquête turque (1535). A partir du XVIème siècle, et pour près de 400 ans, ce qui deviendrait plus tard Irak fit partie de l’empire ottoman.

Naissance du Koweït

A cette époque le Koweït n’existait pas en tant que tel. Cette région désertique, située à une centaine de kilomètres au sud de Bassora (ville aujourd’hui irakienne), était peuplée de tribus nomades et de pêcheurs de perles.
Seul un comptoir fortifié existait, établi par les Portugais afin de protéger la route des Indes orientales et de drainer vers leurs caravelles les marchandises apportées par les caravanes[2].
Il fallut attendre 1672 pour que soit fondée la localité de Koweït, appellation irakienne qui signifie « petite agglomération »[3].
fut son statut ? Incontestablement, l’indépendance. Entourée d’une muraille et possédant sa propre flotte (qui atteint plusieurs centaines d’unités vers la fin du XVIIIème siècle), la ville prospéra sous la direction de trois familles : les al-Sabah (qui s’occupaient des questions administratives), les al-Jalahimah (qui surveillaient et contrôlaient les affaires maritimes) et les al-Khalifah (qui dirigeaient les activités commerciales)[4].

L’Angleterre entre en scène

Contrairement à ce que beaucoup croient, l’intérêt des Européens pour cette région naquit bien avant la découverte du pétrole.
Dès le XVIIème siècle, en effet, à la suite des Portugais, des compagnies anglaises, françaises, hollandaises et danoises s’étaient établies en Inde afin de commercer. Sans surprise, une âpre lutte pour la suprématie s’ensuivit. Elle atteignit son point culminant avec la Guerre de Sept Ans qui, à partir de 1756, opposa la France à la Grande-Bretagne en Inde et au Bengale, sur terre et sur mer.
Cette guerre s’acheva par la signature du traité de Paris qui consacra la défaite française et mit fin aux ambitions de la France dans cette région[5].

Bien que concernant en tout premier lieu l’Inde, ce conflit mit en lumière l’importance stratégique des vallées du Tigre et de l’Euphrate pour la suprématie dans l’Océan Indien[6]. Ces vallées donnaient en effet sur le Golfe persique qui débouchait sur la mer indienne. Celui qui les dominait pouvait s’en servir de bases navales et, ainsi, contrôler la fameuse route des Indes, ce « nerf vital de l’Empire britannique »[7].
Voilà pourquoi, devenue maîtresse de la quasi-totalité de l’Inde et sachant que le « jour où [elle] serait coupées [de ce pays], ce serait sans doute la fin de la grandeur anglaise »[8], la Grande-Bretagne considéra donc désormais la région du Golfe et plus particulièrement la Mésopotamie, comme vitale pour son existence[9]. D’où un changement radical de la politique britannique qui, jusqu’à cette époque, s’était désintéressée de cette partie du monde.

La pénétration anglaise en Mésopotamie

En 1764, Londres ouvrit un premier consulat à Bassora[10]. Deux ans plus tard, les Persans expulsèrent la garnison hollandaise de l’île de Kharg, renforçant la position de la marine britannique dans les eaux du Golfe (Ibid., p. 22, col. B).
En 1798, Haiford Jones fut nommé premier Résident à Bagdad où il s’installa avec une garnison de soldats indiens (Ibid., p. 23, col. B). Cette politique répondait au désir de « transformer un jour la Mésopotamie en un glacis défensif de [l’] Empire indien » (Id.). Cent dix ans plus tard, d’ailleurs, le gouverneur de Bombay déclara :

Le maintien de nos troupes à Bagdad ne s’expliquait pas par un simple désir d’un gain commercial. Il fallait en chercher la raison dans l’importance stratégique de ces régions [Ibid., p. 24, col. A].

Premiers liens avec Koweït

En 1775, les Perses occupèrent Bassora. Cette ville cessa alors d’être le point de passage des marchandises et du courrier entre l’Inde, Bagdad, Alep et Constantinople.
Elle céda la place à Koweït où les Anglais installèrent leur relais postal pour le courrier international de la Compagnie des Indes[11]. Le port de Koweït, « si modeste au début, acquit tout à coup une grande importance pour la politique de l’Angleterre »[12].
L’occupation perse de Bassora cessa dès 1779, rendant à la ville son rôle passé. Mais en 1793, à la suite d’un différend avec les autorités ottomanes, les Anglais revinrent à Koweït pour deux années (Id.). Des liens avec l’Angleterre furent ainsi définitivement établis.

L’Angleterre s’impose militairement dans les eaux du Golfe

Jusqu’à présent, toutefois :
a) La présence anglaise en Mésopotamie et dans les émirats limitrophes restait faible ;
b) La marine britannique était loin de posséder la maîtrise des eaux régionales, ce qui empêchait la transformation du Golfe en un solide glacis défensif de l’empire indien.

Mais les Anglais allaient bientôt trouver un prétexte pour remédier à cela.
Depuis des siècles, de nombreux pirates agissaient dans cette partie du monde, qui appartenait en majorité à la tribu des Qawasim. En 1804, l’épouse d’un officier britannique, Mme Taylor, fut enlevée[13]. Le gouvernement de Bombay organisa alors une campagne militaire. En 1805, la flotte britannique épaulée par celle du sultan de Mascate (en Oman) encercla les Qawasim sur l’île de Qishm et, un an plus tard, les contraignit à signer un traité de paix. Grâce à cette première intervention, la Grande-Bretagne put s’installer militairement dans la région.
Voir carte

Dès 1809, cette présence allait se renforcer. De nouvelles difficultés ayant surgi, la Compagnie des Indes engagea une nouvelle expédition dont l’un des objectifs était l’anéantissement de la force navale des Qawasim.
Les Anglais pillèrent et incendièrent la ville de Ras al-Khaymah ainsi que les bateaux qui se trouvaient dans le port. Ils durent toutefois s’enfuir devant un renfort d’une armée wahhâbite venu de l’intérieur[14].

Dix ans plus tard, cependant, l’Angleterre, enfin débarrassée de Napoléon, se montra décidée à « agir avec fermeté et détermination pour éliminer toute force susceptible de la gêner dans le Golfe » (Ibid., p. 35).
Ayant organisé une forte expédition, toujours avec l’aide du sultan de Mascate, elle opéra un débarquement, assiégea la ville de Ras al-Khaymah, s’en empara après un siège de plusieurs jours, la rasa et força les Qawasim à se rendre. Les derniers navires qui avaient échappé à la destruction furent impitoyablement pourchassés et détruits.
En mars 1820, ainsi, l’Angleterre put déclarer sa suprématie militaire sur les eaux du Golfe (Ibid., pp. 35-36).

On notera au passage que le traité de paix signé en janvier et en mars 1820 par tous les cheiks de la côte d’Oman prohibait, dans son article 9, le transport d’esclaves (celui-ci étant assimilé à de la piraterie). L’intervention anglaise apparaissait donc comme principalement motivée par des considération humanitaires. D’après S. al-Jabir, toutefois :

L’article 9 concernant l’esclavage amusa beaucoup les cheiks de la côte d’Oman car Sayyid Said, le sultan de Mascate, allié des Anglais, était le plus grand trafiquant d’esclaves de la région [Ibid., p. 36].

On le voit : l’hypocrisie anglaise ne date pas d’hier..

L’Angleterre met la main sur Bahreïn

Quoi qu’il en soit, le Gouvernement de Sa Majesté devait maintenant renforcer sa présence dans les principaux émirats du Golfe : Bahreïn, le Qatar et, surtout, le Koweït, dont l’importance était considérable pour accéder aux vallées du Tigre et de l’Euphrate.
En 1821, forts de leur suprématie sur les eaux, les Britanniques s’installèrent dans l’îlot de Faïlala, à l’entrée de la baie de Koweït[15]. Une période de calme relatif suivit. Mais en 1860, le cheikh régnant à Bahreïn, alors menacé par l’un de ses cousins, signa un traité avec l’émissaire du chah de Perse : « Il lui paya un tribu et se mit ainsi sous son autorité et sa protection » (Ibid., pp. 38-39).

Quelle fut la réaction de l’Angleterre ? S. al-Jabir écrit :

Les autorités britanniques n’apprécièrent pas cette démarche risquant de contrevenir à leurs intérêts. Le capitaine Jones, représentant du gouvernement britannique à Bouchir, assiégea Manama avec ses troupes et, le 18 mai 1861, il obligea le cheik à signer un traité perpétuel de paix et d’amitié avec la Grande-Bretagne [Ibid., p. 39].

Recourir à la violence pour imposer des traités de.. paix et d’amitié, telle était donc la diplomatie anglaise.

Cela n’empêchera pas certains Britanniques comme Winston Churchill de condamner quatre-vingts ans plus tard l’accord de Munich au motif qu’il aurait été imposé par la force. Une nouvelle fois, l’hypocrisie anglaise est digne de remarque.
Ajoutons qu’en 1880, la Grande-Bretagne estima le traité de 1861 insuffisant. Elle en imposa alors un autre :

engageant le cheik en place et ses successeurs à ne rien signer avec un gouvernement étranger sans son assentiment. De même, aucune autorisation de représentation diplomatique étrangère ne devait être délivrée, et aucun comptoir commercial ou dépôt de charbon ne pouvait s’établir [Ibid., p. 39].

Dans les faits, ainsi, Bahreïn était devenu un protectorat britannique.

Le Koweït passe librement sous contrôle ottoman

Cela dit, venons-en au cas du Koweït.
Le Traité de Paris (1856) qui avait mis fin à la Guerre de Crimée, morcela la partie occidentale de l’Empire ottoman. En réaction, les Turcs entreprirent de consolider le pouvoir au Moyen Orient.
A partir de 1871, ils occupèrent Hasa et étendirent le souveraineté nominale sur la péninsule du Qatar lorsque le commandeur d’al-Dawha, la principale ville de la région, fit allégeance au sultan[16].
Paradoxalement, l’opération ne fut pas dirigée par les Turcs mais par.. le cheik du Koweït, Abd allah Ibn Sabah. Il « fournit 800 navires pour le transport des troupes ottomanes et de leur équipement, et envoya son frère Mubarak avec les troupes koweïtiennes par le désert »[17].
En agissant ainsi, le cheik se lia, de fait, aux Turcs. Cette liaison devint d’ailleurs formelle quelques temps plus tard lorsque Abd allah Ibn Sabah reconnut l’autorité ottomane sur son pays en acceptant le titre de kaimakam.
Pour comprendre ce que représentait ce titre et les conséquences qui en découlaient, il faut savoir que dans cette région du Golfe, les Turcs exerçaient leur autorité par le biais d’une structure complexe, comportant une hiérarchie d’unités administratives.
Le territoire était divisé en vilayets (ou provinces), qui avaient à leur tête un officier appelé vali. Le vilayet était à son tour divisé en sanjaks (ou sous-provinces), les sanjaks en kazas (districts) et les kazas en nahiyes, qui pouvaient comprendre plusieurs villes ou villages (koys). Chaque unité était gouvernée par un homme qui dépendait d’un supérieur : ainsi le kaimakam (chef du kaza) dépendait-il du mutassarif (chef du sanjak) qui lui-même était sous les ordres du vali, lequel devait rendre des comptes au sultan[18].
En acceptant le titre de Kaimakam, le cheik du Koweït faisait de sa région un district (kaza) d’une province (vilayet) sous autorité ottomane. La province en question était celle de Bassora.

Dès lors, la conclusion s’impose, nette : à partir de 1873, suite à une décision libre de son chef légitime, le Koweït dépendit de la région de Bassora. Sachant que cette ville et sa région reviendront plus tard à l’Irak, l’origine des prétention irakiennes sur le Koweït s’éclairent.

Le Koweït : entité indépendante ?

Les arguments pour la thèse de l’indépendance

Toutefois, certains répondront que cette dépendance existait uniquement sur le papier.
S. al-Jabir, par exemple, écrit :

l’autorité turque resta tout à fait nominale [19].

De leur côté, les auteurs d’une étude historico-politique diffusée sur le site Internet de l’État du Koweît sont formels, ils déclarent :

le Koweït n’[a] jamais été dépendant de l’Irak

En guise de justification, ils rappellent :

Dès sa création, il y a plus de trois siècles, le Koweït fit preuve de son indépendance dans plusieurs domaines, comme le montre la prise autonome de ses décisions indépendantes dans le cadre de son entité politique et juridique et loin de toutes sortes d’influences extérieures[20].

Afin d’appuyer leur thèse, tous ces auteurs rappellent que, le 23 janvier 1899, le Koweït signa avec l’Angleterre un traité qui transformait ce petit émirat en un protectorat britannique[21]. Ils en concluent que, dans les faits, le Koweït était totalement indépendant, puisqu’il décidait lui-même de sa politique tant intérieure qu’extérieure.
Cette argumentation paraît a priori inattaquable. Mais que vaut-elle réellement ? C’est la question à laquelle nous allons maintenant répondre.

Le Koweït jouissait d’une autonomie naturelle dans l’Empire ottoman

Il est indéniable que le Koweït a toujours joui d’une large autonomie, même après les années 1870.
En effet, bien que la structure pyramidale ottomane ait permis une certaine centralisation de l’administration, dans la pratique, toutefois, les kazas jouissaient d’une grande liberté, surtout lorsqu’ils étaient situés aux confins de l’empire.

En 1991, le juriste libanais Camille Harb expliqua :

Ces émirats [ceux de Bahreïn, de Qatar et de Koweït] ont été en principe sous la domination ottomane mais en fait les Ottomans n’ont pas exercé vraiment le pouvoir de façon directe. Ils se sont contentés de nommer un gouverneur, siégeant à Bassora, pour contrôler la région : le Qatar, Bahreïn et l’Est de l’Arabie Saoudite qui s’appelle Dahran aujourd’hui (la région pétrolière)[22].

Neuf ans plus tard, dans une affaire opposant le Qatar à Bahreïn, l’avocat du Qatar fit un exposé historique au cours duquel il rappela :

[…] il existait un haut degré d’autonomie au niveau du kaza, et il n’était pas inhabituel qu’un kaimakam gouverne de manière très autonome ou quasi indépendante, comme cela était le cas pour le Qatar.
[…] les Ottomans avaient nommé le cheikh Jassim bin Thani de Qatar en tant que kaimakam du kaza de Qatar. Les documents nous montrent que le cheikh Jassim, tout en professant une allégeance nominale aux Ottomans et en tolérant une présence militaire ottomane à Qatar, agissait de temps en temps de manière indépendante dans la péninsule et se méfiait des intentions des Ottomans[23].

Dans un livre intitulé : The League of Arab States and Regional Disputes (La Ligue arabe et les conflits régionaux), Hussein A. Hassouna souligne :

Bien que la nature précise de la relation légale entre l’émirat du Koweït et l’empire ottoman soit quelque peu difficile à déterminer, il semblerait que le Koweït n’était ni totalement indépendant, ni une partie intégrante de l’empire, mais plutôt un vassal qui faisait allégeance au souverain ottoman. D’où le fait que, pendant plus d’un [quart de] siècle, les cheikhs du Koweït aient accepté le titre de kaimakam (préfet) qui leur était conféré par les Turcs et qu’ils aient régulièrement payé l’impôt au sultan de Turquie[24]

C’est clair : bien que les cheiks du Koweït aient été des kaimakam, le petit émirat jouissait d’une grande indépendance.
A ce stade, donc, les adversaires des prétentions irakiennes sur le Koweït semblent l’emporter. Mais ce qu’ils oublient de dire, c’est que cette indépendance n’était pas totale ; elle était même inexistante en matière de politique extérieure. L’histoire relative au traité du 23 janvier 1899, loin de démontrer le contraire, vient au contraire le prouver.

Un usurpateur au pouvoir

Tout commença en 1892, avec la mort du cheik koweïtien Abd allah Ibn Sabah. Son frère aîné, Muhammad, le remplaça : « mais, faible et incapable de gouverner, il fut aidé par son frère Jarrah » et par son cousin, l’Irakien Yusuf al-Ibrahim[25]. Quant au demi-frère de Muhammad, Mubarak, il fut nommé « prince du désert », dont la tâche était de contrôler et protéger les tribus bédouines vivant dans la région (Id.).

Mubarak était un « ambitieux »[26], mais il était méprisé par ses frères qui lui reprochaient ses trop grandes dépenses et qui le tenaient éloigné du pouvoir, lui préférant Y. al-Ibrahim[27]. La situation s’envenima et, en mai 1896, le « prince du désert » assassina Muhammad et Jarrah avant d’usurper le pouvoir[28].

Le Koweït devient formellement un district de la province de Bassora

Absent au moment du crime, Y. al-Ibrahim se réfugia à Bassora avec les enfants des victimes.
Ensemble, ils réclamèrent l’intervention du sultan pour qu’il dépose et punisse l’assassin[29].

Or, bien qu’ils aient été soutenus par le vali de Bassora, Hamdi Pasha[30], le sultan ne prit aucune décision. Pourquoi ? A ma connaissance, aucune explication définitive n’a été donnée.
La raison semble toutefois être la suivante : depuis les années 1880, l’Allemagne et la Russie menaient une politique active de pénétration dans le Golfe, avec la bienveillance des Turcs[31].
A partir de 1888, l’Allemagne lança un projet de construction d’une voie ferrée qui partirait de Hambourg, traverserait l’empire ottoman jusqu’à Bagdad, voire Bassora. La même idée fut reprise plus tard (1897) par un Russe, le comte Kapnist. Cette fois, la ligne devait avoir comme terminus le port de.. Koweït[32].

Or, Mubarak se déclarait favorable à ce projet[33], ce qui devait tout naturellement plaire au sultan. Dès lors, on comprend que ce dernier ait voulu ménager l’usurpateur. Voilà pourquoi en décembre 1897, loin d’être déposé et châtié, Mubarak « fut reconnu officiellement par le gouvernement ottoman comme cheik du Koweït et nommé Kaimakam »[34].
Peu après, « son nom apparut dans l’almanach officiel du vilayet de Bassora, et le Koweït fut classé formellement par l’Empire comme un kaza du sanjak de Nadj au sein du vilayet de Bassora »[35].

L’Angleterre admet la dépendance du Koweït en matière de politique extérieure

Mais le sultan ignorait que, malgré tout, Mubarak restait inquiet.
En juillet 1897, des manifestations avaient eu lieu, au cours desquelles des slogans avaient été proférés réclamant la déposition du criminel[36]. Aussi Mubarak joua-t-il double jeu, portant son regard vers l’Angleterre.
Un mois après les démonstrations de rues, alors qu’il ignorait le sort que lui réserverait finalement l’autorité ottomane, il envoya une lettre au Résident britannique à Bahreïn pour lui demander l’envoi d’un émissaire auquel il avait une importante communication à faire.
Le 5 septembre, il révéla à l’envoyé son désir de placer le Koweït, comme Bahreïn, sous la protection britannique[37]. Informées, les autorités britanniques repoussèrent l’offre de Mubarak (Ibid., pp. 259-60). Parmi les raisons invoquées, une mérite d’être relevée : dans les années 1890, Londres avait reconnu « la souveraineté turque sur la rive arabe du Golfe, du port de al-Ugayr jusqu’à Fao, ce qui incluait implicitement le Koweit dans l’Empire ottoman »[38].

J. B. Kelly écrit :

De l’examen des dossiers il apparut qu’en 1889, et encore en 1893, l’ambassade [anglaise] à Constantinople avait reconnu, au moins implicitement, l’existence de la souveraineté turque sur la côte arabe du Golfe de Bassora à aussi loin au sud que Qatif. Bien que jamais le nom du Koweït n’ait été mentionné, ou explicitement spécifié parmi les lieux sous autorité turque, le fait qu’un consensus général sur la souveraineté ait existé semblait exclure (seemed to preclude) toute affirmation selon laquelle le Koweït aurait été indépendant […][39].

C’est clair, c’est net. Fin 1897, la Grande-Bretagne savait que le Koweït dépendait de l’Empire ottoman, donc qu’aucun traité ne pouvait être signé avec ce pays sans l’accord du sultan.
En matière de politique extérieure, donc, il était admis que Mubarak n’était pas libre. Ce dernier lui-même le savait, voilà pourquoi en août 1897, indépendamment de ses démarches pour être nommé Kaimakam, il avait pris contact avec les Anglais dans le plus grand secret (Ibid., p. 256-7).

Le revirement intéressé de l’Angleterre

Mais alors, pourquoi le traité du 23 janvier 1899 ? La réponse est simple.

En juin 1898, le comte Kapnist, auteur du projet de voie ferrée, demanda officiellement aux Ottomans une concession pour la construction de ce chemin de fer (Ibid., p. 265). L’Angleterre l’apprit très peu après, et parvint à obtenir une copie du projet (Ibid., pp. 265-6). Sa lecture provoqua une intense agitation dans les milieux britanniques.
Fin novembre 1898, le spécialiste de la politique anglaise en orient, Lord Curzon, écrivit :

Un chemin de fer russe se terminant à Koweït serait au plus haut degré préjudiciable aux intérêts britanniques [Ibid., p. 271].

Neuf jours plus tard, un autre diplomate de Sa Majesté appela l’attention sur le fait que la réalisation de ce projet « modifierait la balance des pouvoirs en Asie » (Ibid., p. 270).
Cette appréciation était exacte, car une telle voie ferrée, reliant l’Europe au Moyen Orient, aurait sérieusement concurrencé la fameuse route des Indes anglaise.
Lord Curzon ajoutait avec raison :

Les intérêts commerciaux sont les précurseurs habituels des revendications politiques [40].

Il était donc à prévoir qu’une voie ferrée aboutissant à Koweït aurait pour nécessaire conséquence une politique coloniale qui menacerait un jour de couper la « route des Indes ».
Comme le remarque justement S. al Jabir :

Le Koweït ne présentait aucun intérêt pour la Grande-Bretagne, mais cette dernière ne voulait pas qu’une autre puissance s’y installe[41].

Le 6 janvier 1899, d’ailleurs, le sous-secrétaire permanent de l’Indian office écrivit à Lord Curzon :

Nous ne voulons pas le Koweït, mais nous ne voulons pas que quelqu’un d’autre l’ait. Cela sonne plutôt mal, quand c’est mal dit : mais c’est l’expression vraie de notre bon objectif politique, et il n’est pas si mauvais qu’on veut bien l’entendre[42].

D’où un soudain « changement de politique » (change of policy) à Londres.
S. al-Jabir écrit

Devant cette menace, le gouvernement britannique éprouva la nécessité de lier le Koweït par un traité exclusif de protection (op. cit., p. 48).

Oublié, donc, le fait que l’Angleterre avait reconnu la souveraineté de l’Empire ottoman sur le Koweït.
Le 19 novembre 1898, Lord Curzon déclara que le Koweït n’était ni sous souveraineté turque, ni même sous contrôle turc[43].
Deux semaines plus tard, le sous-secrétaire du Foreign office à Londres écrivit :

Il apparaît que rien ne soutiendrait en fait une revendication turque pour la souveraineté sur le Koweït ou le contrôle de ce district (Ibid., p. 273).

En un clin d’œil, donc, ce qui était noir était devenu blanc.

La réaction de la Turquie après la signature du traité

Je passerai rapidement sur les négociations secrètes qui aboutirent à la signature du traité du 23 janvier 1899.

Je soulignerai juste que Mubarak ne semblait plus être un ardent demandeur du protectorat - n’avait-il pas été nommé kaimakam ? -, puisque l’Angleterre le paya pour obtenir rapidement sa signature[44]. Le gouvernement de Sa Majesté insista pour que ce traité restât secret et pour que son existence ne fût pas divulguée « sans le consentement du gouvernement britannique » (Ibid., p. 282).
Une fois la signature obtenue et Mubarak payé, Londres ratifia le 16 février 1899 (Ibid., p. 285).

L’existence du document secret fut cependant révélée peu après.
En effet, bien que, finalement, le projet du comte Kapnist ait été abandonné (faute de moyens financiers), les Allemands, eux, souhaitaient toujours la construction d’un chemin de fer Hambourg-Constantinople-Bagdad-Bassora-Koweït.
Fin 1899, une mission technique allemande arriva à Koweït afin de localiser précisément le terminus[45].
En janvier 1900, « ses membres essayèrent de convaincre Mubarak de vendre ou de céder un terrain » pour cette voie ferrée (Kelly, p. 289) ; mais le cheik

prenant en considération son engagement envers la Grande-Bretagne, refusa de donner son accord au projet (al-Jabir, p. 50).

L’Allemagne se tourna alors « vers le gouvernement ottoman en lui conseillant d’annexer le Koweït et de liquider Mubarak » (Id.). Toutefois, lorsque des forces turques furent concentrées à Bassora, « Londres se préva[lut] de l’accord conclu neuf mois auparavant pour lancer une mise en garde au gouvernement de Constantinople »[46].
La Turquie n’insista pas, mais elle protesta et s’opposa au traité, tout simplement parce que l’émir n’avait pas le droit de signer des accords internationaux[47].

L’Angleterre présente ses excuses

Mubarak, cependant, s’en moquait. Fort du soutien anglais, il attaqua l’émir de Hayel, ‘Abd al-‘Aziz Ibn Rashid, allié des Turcs. Mais son armée fut défaite à la bataille d’al-Sarif en 1901.
Les Turcs proposèrent alors au cheik battu soit de quitter le Koweït et de vivre dans un autre pays où il lui serait versé un traitement mensuel, soit de devenir membre d’un conseil consultatif à Constantinople.

S’il refusait, il serait chassé du Koweït par la force.
Voulant garder le pouvoir, Mubarak fit appel aux Anglais. Ceux-ci envoyèrent leurs navires de guerre et débarquèrent au Koweït avec troupes et canons. On pouvait donc croire que le traité de janvier 1899 n’avait pas été abrogé. Toutefois, des pourparlers suivirent durant lesquels les Britanniques rappelèrent qu’ils ne désiraient ni occuper l’émirat, ni y établir un protectorat (al-Jabir, pp. 50-1).
Finalement, le cheikh du Koweït déclara de nouveau allégeance au sultan, et l’Angleterre présenta oralement ses excuses pour le traité de janvier 1899[48].

Dans l’Iraq Times, on lit :

Après un échange de correspondance entre le cheikh du Koweït et le gouverneur de Bassora, le cheikh donna un banquet à Koweït en 1901, banquet auquel assistaient le gouverneur de Bassora, Moshen Pasha et le neveu du sultan, Quassin Pasha […]. Après le banquet, le cheikh du Koweït […] proclama publiquement sa soumission à la province de Bassora. Il déclara qu’il était le kaimakam du Koweït et exprima son allégeance au sultan[49].

La dépendance du Koweït confirmée

J’ajoute que malgré ses silences accusateurs, l’étude historique publiée sur le site de l’État du Koweït ne peut tout occulter. Son auteur écrit :

Cependant, il est exact que la Grande-Bretagne n’a jamais formellement contesté la suzeraineté ottomane sur le Koweït et les deux puissances parviennent le 9 septembre 1901 à un accord par lequel la Turquie s’engage à respecter la statu quo au Koweït pourvu que le gouvernement britannique renonce à annexer ou à établir un protectorat sur l’émirat. En 1913, la Convention anglo-turque reconnaît une très large autonomie au Koweït dans le cadre de l’empire ottoman.

« […] dans le cadre de l’empire ottoman » : on ne saurait être plus clair.

Il est d’ailleurs à noter que dans le courant de l’année 1901, une caravane venant de Bahreïn fut attaquée à 30 km de Koweït par des hommes de la tribu de Murra. L’agression causa la mort de 23 personnes dont le fils et le neveu du cheikh de Bahreïn. Celui-ci ayant protesté auprès des autorités anglaises, il lui fut répondu, par la voix du colonel Campbell, que cet incident était survenu en territoire ottoman.
Le cheikh s’adressa alors au sultan qui le dédommagea et lui promit des sanctions contre les agresseurs[50].

C’est la preuve qu’en 1901, le Koweït ne pouvait absolument pas être considéré comme un protectorat britannique ; au contraire, l’Angleterre reconnaissait la domination ottomane sur l’émirat.

Par conséquent, bien qu’il n’ait pas été formellement abrogé, le traité de janvier 1899 resta inopérant.
Dans son étude, d’ailleurs, J. B. Kelly concède :

Le traité avec le Koweït resta, et son inutilité fut démontrée encore et encore dans les années qui suivirent (« The Kuwait agreement remained, and its usefulness was demonstrated again and again in the years that followed ») (Kelly, pp. 287-8).

Conclusion

Parvenu à ce stade de notre étude, nous pouvons conclure ainsi : à la fin du XIXème siècle, Londres avait atteint son objectif politique : protéger la route des Indes en empêchant les autres grandes puissances d’occuper le Koweït, ou même une partie du Koweït.
Mais on ne saurait en conclure que l’émirat était devenu un protectorat britannique ou qu’il ait été indépendant, sous la protection discrète de Londres. L’émirat vivait sous dépendance ottomane.

Formellement, c’était un district de la province de Bassora. Si, comme bien d’autres kazas, il jouissait d’une certaine autonomie sur le plan intérieur, il n’était absolument pas libre de décider seul de sa politique extérieure. Un modus vivendi existait entre la Turquie et l’Angleterre pour que le statu quo soit respecté de part et d’autre.

Par conséquent, on ne saurait accorder la moindre valeur à l’argument très souvent répété selon lequel les prétentions irakiennes sur le Koweït seraient sans aucun fondement historique, puisque l’émirat aurait toujours connu un statut d’indépendance. C’est le contraire qui est vrai. Historiquement, le Koweït devint, de par la décision libre de son chef légitime, un district de la province irakienne de Bassora.

Il est donc faux de dire que « personne n’a été dupe » lorsque, en août et en septembre 1990, S. Hussein et Tarek Aziz alléguèrent que l’Irak venait de reprendre ce qui lui appartenait.

En vérité, ils n’inventaient rien. J’ajoute qu’en 1961, déjà, quand le Koweït avait accédé à l’indépendance, l’Irak alors commandé par le général Kassem avait provoqué une crise en affirmant que le petit émirat faisait historiquement et juridiquement partie de la province de Bassora.
A l’époque, l’Iraq Times avait mené une intense campagne titrant à chaque fois :

« Kuwait is Iraq » (Le Koweït, c’est l’Irak) ou « Kuwaït, Iraqi Qadha » (Koweït, district irakien)[51]

Voilà, Cher Monsieur, ce que j’avais à vous répondre. Je vous présente mes excuses pour avoir été si long, mais c’était nécessaire.

Maintenant que l’argument fondé sur la prétendue indépendance séculaire du Koweït s’est effondré, peut-être me direz-vous :

Certes, mais en novembre 1914, l’Angleterre reconnut le Koweït comme une entité indépendante sous sa protection. De plus, lorsque l’Empire ottoman fut morcelé, le Koweït ne fut pas donné à l’Irak. Enfin, lorsque, en 1932, l’Irak cessa d’être sous mandat britannique et devint indépendant, ses autorités reconnurent la frontière avec le Koweït.

Si cela vous intéresse, je répondrai à ces arguments et vous démontrerai qu’ils n’ont pas plus de valeur que le premier..

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[1] Voy. Les Nations Unies et le conflit entre l’Iraq et le Koweït. 1990-1996 (Département de l’information, Nations Unies, New York,1996), pp. 8-9.
[2] Voy. Bernard Vernier, L’Irak d’aujourd’hui (Librairie Armand Colin, 1963), p. 306. Vasco de Gama effectua son premier voyage à Malabar en 1498. A la recherche d’épices, les Portugais prirent rapidement possession de plusieurs territoires de l’Inde : Goa, Daman et l’île de Diu à partir desquels ils se livrèrent au commerce.
[3] Voy. la lettre de Tarek Aziz à Laurent Dumas, 11 septembre 1990. Reproduite dans la Revue d’Histoire Révisionniste, n° 4, février-mars-avril 1991, p. 135. De son côté, Salem al-Jabir al-Sabah affirme que Koweït est le diminutif du mot Kut, qui signifie « petite forteresse » (Voy. S. al-Jabir, Les Émirats du Golfe. Histoire d’un peuple [éd. Fayard, 1980], p. 44.). Les deux explications ne sont cependant pas lointaines l’une de l’autre.
[4] S. al-Jabir, p. 44.
[5] En vérité, la lutte avait commencé en 1744 par un conflit armé entre les compagnies anglaises et françaises sur la côte de Carnatic (Sud de l’Inde, région de Pondichéry). Rapidement, toutefois, celui-ci dégénéra en guerre ouverte entre les deux pays.
Chronologie sommaire du conflit :
1746 : les Français, commandés par Dupleix, prennent Madras et remportent la victoire de Negapatam ; 1751-2 : victoires anglaises à Arcot et Trichinopoly ;
8 juillet 1755, rupture des relations diplomatiques entre la France et l’Angleterre.
1er mai 1756 : état de guerre entre les deux pays. 1757 : victoire anglaise à Plassey (Bengale) qui affermit la position de la Grande-Bretagne en Inde et lui permet d’envoyer des renforts en Carnatic où la guerre fait rage.
1760 : victoire anglaise à Wandewash ;
Janvier 1761 : la France demande la paix, mais l’Angleterre refuse, voulant une victoire totale ;
10 février 1763 : signature du traité de Paris.
[6] « L’importance stratégique des vallées du Tigre et de l’Euphrate a été mise en lumière une première fois lors des guerres que la Grande-Bretagne mena contre la France au XVIIIème siècle pour la suprématie dans l’Océan indien » (Voy. La Documentation Française, 5 juillet 1951, article intitulé « Aperçu sur l’évolution politique de l’Iraq », p. 23, col. B).
[7] Voy. La Documentation Française, 5 juillet 1951, article intitulé « Aperçu sur l’évolution politique de l’Iraq », p. 22, col. A.
[8] Ibid., p. 23, col. A, l’auteur de l’étude cite J.-J. Chevalier.
[9] Voy. le Rapport de la Commission d’enquête internationale sur les crimes de guerre commis par les Etats-Unis lors de la guerre dans le Golfe (13-15 juin 1991), p. 62, l’intervention de Camille Harb, juriste libanais, qui déclare : « Les Anglais, qui ont occupé l’Inde, ont voulu contrôler la route des Indes ».
[10] Voy. La documentation française.., déjà cité, p. 23, col. B.
[11] « Le Koweït devint un centre stratégique et commercial quand les Perses occupèrent la ville de Bassora de 1775 à 1779 ; beaucoup de commerçants émigrèrent alors à Koweït, car le commerce entre l’Inde, Bagdad, Alep et Constantinople ne passait plus par Bassora, mais par Koweït. D’autre part, durent cette période, le courrier terrestre de la Compagnie des Indes orientales entre le Golfe, Alep et Constantinople, transita par le Koweït » (voy. S. al-Jabir, op. cit., p. 44). « Les relations entre l’Angleterre et le Koweït commencèrent en 1775, quand, pour une brève période, le port principal de cette région du désert fut utilisé comme un relais postal pour le courrier britannique international venant de l’Inde et allant vers la Méditerranée » (Voy. J.C. Hurewitz, Diplomacy in the Near and Middle East, vol. I, 1535-1914 (D. van Nostrand Compagny, Inc), pp. 218, col. A).
[12] Voy. S. al-Jabir, op. cit., p. 44.
[13] Voy. Le Rapport de la Commission internationale.., déjà cité, pp. 61-2.
[14] Voy. S. al-Jabir, op. cit., p. 34.
[15] Voy. Bernard Vernier, op. cit., p. 306.
[16] Voy. J. B. Kelly, « Salisbury, Curzon ant the Kuwait Agreement of 1899 », publié dans Studies in International History (Longmans, 1967), p. 251. Voy. également S. al-Jabir, op. cit., p. 45 : « Midhat Pasha [gouverneur turque de Bagdad], avec l’accord de son gouvernement, voulait compenser la perte des Balkans en Europe par la consolidation et l’expansion de l’Empire ottoman en Asie ».
[17] Voy. S. al-Jabir, op. cit., p. 45.
[18] Pour toutes ces informations sur l’administration turque, voy. le compte rendu de l’audience publique du 30 mai 2000 à la Cour internationale de Justice de La Haye dans l’affaire de la délimitation maritime et des questions territoriales entre Qatar et Bahreïn.
[19] Voy. S. al-Jabir, op. cit., p. 46.
[20] Voy. le site de l’État du Koweït, étude intitulée : « Motif des prétentions irakiennes au Koweït ».
[21] Pour l’Angleterre, ce traité fut signé par le lieutenant-colonel Malcolm John Meade. Le texte intégral est publié dans l’ouvrage de J.C. Hurewitz, Diplomacy in the Near and Middle East, vol. I, 1535-1914 (D. van Nostrand Compagny, Inc), pp. 218-9. L’émir s’engageait « à ne pas revoir un agent ou un représentant d’une autre puissance ou d’un autre gouvernement à Koweït, ou ailleurs dans les limites de son territoire, sans l’accord préalable du Gouvernement britannique ». Il s’engageait également, lui et ses successeurs, « à ne pas céder, vendre, louer, hypothéquer, ou donner pour une occupation ou pour un quelconque autre objectif n’importe quelle portion du territoire […] sans le consentement du Gouvernement de Sa Majesté ».
[22] Voy. le Rapport de la Commission d’enquête internationale sur les crimes de guerre commis par les Etats-Unis lors de la guerre dans le Golfe (13-15 juin 1991), p. 62.
[23] Voy. le compte rendu de l’audience publique du 30 mai 2000 à la Cour internationale de Justice de La Haye, déjà cité.
[24] « Though the precise nature of the legal relationship between the Sheikhdom of Kuwait and the Ottoman Empire is somewhat difficult to determine, it would seem that Kuwait was neither totally independant from, nor an integral part of, the Empire, but constitued a vassal owning allegiance to the Ottoman sovereign. Hence, the Sheikhs of Kuwait had accepted the title of Quaymaqam (Prefect) conferred on them by the Turks, and regulary paid the tribute to the Sultan of Turkey for over a century ». Voy. H. Hassouna, The League of Arab States and Regional Disputes., (Ocean Publications, Inc., 1975), p. 131, note 1.
[25] Voy. S. al-Jabir, op. cit., p. 46.
[26] « Mubarak […] homme ambitieux, à la fois diplomate et guerrier » (Ibid., p. 46).
[27] « Mubarak […] était méprisé par ses frères pour ses dépenses et fut éloigné du pouvoir au profit du conseiller Yusuf al-Ibrahim » (Id.).
[28] Id. Voy. aussi J.B. Kelly, op. cit., p. 251 : il est question de Mubarak « assassinant ses demi-frères et usurpant le pouvoir » (murdering his half-brothers and usurping power).
[29] Voy. J. B. Kelly, op. cit., pp. 249-50.
[30] Voy. S. al-Jabor, op. cit., p. 47 : « […] Yusuf al-Ibrahim aidé par le vali de Bassora […] ».
[31] Dès 1876, le régime tsariste avait pénétré en Perse, s’octroyant une concession pour la production du caviar. Depuis 1879, il contrôlait la seule force armée organisée de la région, une brigade perse. Elle était instruite et commandée par des officiers russes qui recevaient leurs instructions de St-Pétersbourg et leur solde de Téhéran (Voy. J. C. Hurewitz, op. cit., p. 207, col. A.). Peu après, des Compagnies commerciales allemandes étaient apparues dans le Golfe, comme les firmes Wonckhaus (voy. La Documentation française.., op. cit., p. 24, col. A). En 1881, une première mission militaire allemande s’installa à Istanbul. Avec l’accession au pouvoir de Guillaume II en 1888 et l’essor industriel allemand, les relations économiques entre les deux pays s’intensifièrent (Voy. J. C. Hurewitz, op. cit., p. 252, col. A).
[32] Sur ce sujet, voy. l’article publié le 17 décembre 1898 dans le quotidien anglais The Times, p. 7. J’ai trouvé la référence de cet article de journal dans La Documentation Française (op. cit., p. 23, note 67) et j’en ai moi-même vérifié l’exactitude à la Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine de Nanterre, où The Times est consultable sous la cote GFP 950.
[33] « [Mubarak] avait entendu qu’il existait des pourparlers à propos d’un projet de voie ferrée qui aboutirait au sommet du Golfe, et il avait ajouté que, pour sa part, il serait heureux qu’un tel projet devienne réalité » (Voy. J. B. Kelly, op. cit., p. 262).
[34] Voy. S. al-Jabor, op. cit., p. 47.
[35] Voy. J. B. Kelly, op. cit., p. 260.
[36] Voy. J. B. Kelly, op. cit., p. 256.
[37] Ibid., pp. 256-7 : « La conversation porta maintenant sur les avances faites par Mubarak au Résident. Le cheik n’hésita pas à révéler son objectif. Il voulait, dit-il, “être placé sous la protection britannique […]” ».
[38] Voy. J. al-Sabir, op. cit., p. 48.
[39] Voy. J. B. Kelly, op. cit., p. 253.
[40] « Commercials interests are the familiar precursor to political claims » (Ibid., p. 270).
[41] Voy. S. al-Jabir, op. cit., p. 48.
[42] Voy. J. B. Kelly, op. cit., p. 276.
[43] « The asking of a concession front Turkey for a railway with a terminus at Koweit, and, still more, the granting of it involve the assumption that Koweit is under Turkish sovereignty, wich it certainly is not, or under Turkish controm, wich it equally cannot be said to be » (voy. J. B. Kelly, op. cit., p. 271).
[44] Dans un premier temps, il avait été question de payer Mubarak en une seule fois, jusqu’à 10 000 £ : « [Lord Salisbury] était prêt à payer à Mubarak la somme de 4 000 ou 5 000 £ en guise d’incitation (inducement) à souscrire un engagement » ; « Lord Salisbury ajouta que s’il est nécessaire de donner jusqu’à 10 000 £, nous nous arrangerons pour trouver la moitié de la somme » (voy. J. B. Kelly, op. cit., p. 275, l’auteur cite un télégramme secret britannique). Peu après cependant, la solution d’un versement annuel de 1 000 £ fut proposée (Ibid., p. 276), somme qui fut ramenée à 200 £ au maximum (Ibid., p. 279). Lors des ultimes discussions, Mubarak demanda, contre sa signature, 1000 £ et un engagement écrit que l’Angleterre le soutiendrait à l’avenir (Ibid., p. 281), ce qui fut finalement accepté (Ibid., p. 282).
[45] Voy. J. B. Kelly, p. 289 et S. la-Jabir, p. 50.
[46] « Le gouvernement britannique avisa alors la Sublime Porte qu’il ne resterait pas indifférent s’il y avait une tentative d’intervention ayant pour but de donner à une autre puissance un droit spécial ou privilégié sur les territoires appartenant au cheik du Koweït., avec lequel le gouvernement de Sa Majesté avait certains engagements » (al-Jabir, p. 50). « […], en réponse à des menaces turques sur le Koweït, Londres se prévaut de l’accord conclu neuf mois auparavant pour lancer une mise en garde au gouvernement de Constantinople » (Voy. le site Internet de l’État du Koweït). Notons que les auteurs placent cet événement en septembre 1899. Il est vrai que dans un rapport daté du 21 septembre 1899, lord Curzon, l’observateur britannique au Moyen Orient, avait souligné le rassemblement de forces turques à plusieurs reprises à Bassora en vue d’une expédition au Koweït (« […] forces have more that once been assembled at Basrah for a contemplated expedition against that place [Kuwait] » ; voy. J.C. Hurewitz, op. cit., p. 234). Mais il semble que la première véritable protestation anglaise date de janvier 1900 et non de septembre 1899.
[47] « Lorsque les Ottomans ont appris la signature de ce traité, ils s’y sont opposés » (voy. l’intervention déjà citée de Camille Harb, rapport de la Commission internationale.., p. 62) ; « [le cheikh] dépendait le l’empire ottoman et n’avait pas le droit de signer des accords internationaux » (voy. la lettre de T. Aziz à L. Dumas, déjà citée, RHR n° 4, p. 135.). En 1961, encore, le général Kassem, qui dirigeait l’Irak, qualifia le traité d’ « illégal » (Voy. B. Vernier, op. cit., p. 311).
[48] Voy. la lettre de T. Aziz à L. Dumas, déjà citée, RHR n° 4, p. 135 ; voy. également l’intervention de Camille Harb, déjà citée, dans la rapport de la Commission internationale, p. 62 : « […] le chef du Koweït a été obligé de le dénoncer [le traité] et le gouvernement britannique a présenté oralement ses excuses ».
[49] Voy. Iraq Times, 27 juin 1961, p. 13.
[50] Voy. Iraq Times, 27 juin 1961, p. 13.
[51] Voy. The Iraq Times, fin juillet et août 1961.

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