Le cas des pilotes alliés tombés au-dessus de l’Allemagne pendant la guerre
Le national-socialisme, une idéologie criminelle ?
Les juges de Nuremberg et le sort des aviateurs alliés tombés au-dessus de l’Allemagne
A Nuremberg les vainqueurs affirmèrent que les vaincus avaient massacré les aviateurs alliés tombés entre leurs mains (voir la photo de deux aviateurs faits prisonniers).
Dans le jugement prononcé le 1er octobre 1946, Joachim von Ribbentrop fut reconnu coupable d’avoir, le 6 juin 1944, participé à une réunion où avait été « décidé le lynchage systématique des aviateurs alliés effectuant des attaques à basse altitude » (TMI, XXII, 567). Ailleurs, une formule plus générale encore avait été utilisée. Sous le titre « Assassinats et mauvais traitements dont furent victimes les prisonniers de guerre », on lisait :
Lorsque les aviateurs alliés étaient contraints d’atterrir en Allemagne, ils étaient parfois tués immédiatement par la population civile. La Police avait reçu l’ordre de ne pas intervenir lors de ces lynchages et le ministre de la Justice avait été avisé de ce que personne ne devait être poursuivi pour y avoir pris part [Ibid., p. 502].
Certains y verront la confirmation que national-socialisme fut une idéologie meurtrière, qui se souciait aucunement des lois morales. Ils se trompent, car la réalité fut loin de celle imaginée par les juges de Nuremberg.
La vérité sur le sort des aviateurs alliés tombés au-dessus de l’Allemagne
Les avions alliés s’attaquent aux paisibles citoyens
Convoqué comme témoin, l’ancien aide de camp d’Hermann Göring, Bernd von Brauchitsch, expliqua qu’au printemps 1944, « les pertes subies par la population civile à la suite des mitraillages par avion augmentèrent brusquement » :
Ces attaques étaient dirigées dans tout le pays contre des civils travaillant dans les champs, contre des voies ferrées et des gares secondaires n’ayant aucun intérêt militaire, contre des piétons et des cyclistes [TMI, IX, 149].
D’après le maréchal Keitel, on déplora jusqu’à « trente à quarante victimes par jour » (TMI, X, 571).
Hitler réagit à ces attaques contre les citoyens désarmés
B. von Brauchitsch poursuivit en déclarant que ces attaques avaient décidé Hitler « à décréter des mesures contre la personne de ces aviateurs […]. Le lynchage devait être toléré » (Id.). Cette version des faits fut confirmée par H. Göring lui-même. Interrogé trois jours plus tard, il expliqua :
Les bombardements continus des villes allemandes avaient provoqué dans le peuple allemand une grande agitation car la population y voyait souvent que les objectifs industriels importants étaient moins atteints que les locaux d’habitation et les objectifs non militaires [voir photo]. Ainsi, dans quelques villes allemandes, les quartiers résidentiels étaient déjà touchés sérieusement alors que les usines étaient intactes. Puis vinrent, avec, l’avance des forces ennemies, les « Tiefflieger » ou avions opérant en rase-mottes qui attaquaient des objectifs militaires ou non. Des rapports de plus en plus nombreux parvenaient au Führer. J’en entendis quelques-uns suivant lesquels la population civile était attaquée avec des mitraillettes et des mitrailleuses. Des voitures, reconnaissables comme des voitures civiles et même des voitures portant la Croix-Rouge [voir photo], avaient été attaquées. Un jour arriva un rapport - je m’en souviens nettement parce qu’il excita l’indignation du Führer - disant qu’on avait tiré sur un groupe d’enfants.
Des gens furent tués devant des magasins ; tout était qualifié de bombardements terroristes. Le Führer était extrêmement indigné.
Dans cet état d’excitation, la population lyncha des aviateurs ; on prit aussitôt des mesures contre de tels actes. Puis, j’entendis dire que l’ordre avait été donné à là Police et à Bormann de ne pas prendre de mesures contre le lynchage [Ibid., p. 382].
On en déduit qu’il fallut attendre les attaques en rase-mottes directement dirigées contre des civils et sans aucune nécessité stratégique pour que Hitler en vienne à prendre des mesures draconiennes.
A cette époque, pourtant, il y avait un an déjà que les bombardements de terreur avaient commencé, rasant des villes entières et causant des dizaines de milliers de victimes (voir photo).
Par conséquent, seul l’individu de mauvaise foi peut prétendre que le Führer aurait été un monstre assoiffé de sang, donnant l’ordre de tuer pour les motifs les plus futiles.
Hitler ne fit que réagir suite à des crimes manifestes commis par les « bons »
La vérité est que le Führer fit preuve d’une grande patience et qu’à de nombreuses reprises, il ne fit que réagir - bien ou mal, peu importe - à des crimes manifestes et répétés commis par ses adversaires. Ainsi, lorsque, en mars 1945, il demanda une nouvelle fois que les pilotes ennemis tombés ne soient pas protégés contre la fureur de la population et que ceux faits prisonniers dans les derniers mois soient livrés au SD pour être liquidés, il justifia sa décision en disant :
Ces gens n’assassinent que les femmes et les enfants allemands. Il est incroyable que des soldats allemands prennent des mesures pour protéger des assassins contre leur propre peuple, qui agit avec une haine justifiée […]. Cela ne peut plus continuer ainsi […]. Que vais-je faire contre ces effroyables bombardements terroristes qui ne tuent que des femmes et des enfants allemands ? […] Je ne peux pas prendre plus longtemps vis-à-vis du peuple allemand la responsabilité du maintien de la situation. Si ces aviateurs se rendent compte qu’ils seront exterminés comme terroristes, ils réfléchiront avant de recommencer à nous survoler. […] je suis responsable de la protection du peuple allemand et je n’ai pas d’autres moyens [TMI, XV, 606, 608 et 609].
Ces propos témoignent certes d’une grande dureté, mais ils ont été prononcés quelques semaines seulement après le terrible bombardement de Dresde qui avait fait plusieurs centaines de milliers de victimes, en majorité des femmes et des enfants réfugiés de l’Est. On peut comprendre que, face à de tels carnages, le Führer ait choisi d’ignorer le Droit.
A Nuremberg, l’ancien ministre des Affaires étrangères du IIIe Reich, Joachim von Ribbentrop, déclara :
Si, plus tard [au cours du conflit], nous avons pris des libertés sur tel ou tel point [de la Convention de Genève], cela n’est dû qu’aux rigueurs de la guerre et peut-être aussi à la dureté du Führer [TMI, X, 315].
Les nationaux-socialistes sont contre l’arbitraire..
Il me paraît en outre nécessaire de préciser que, contrairement à ce que laisse entendre le jugement général prononcé à Nuremberg, et contrairement à ce que voulait le Führer, des textes furent adoptés pour que la loi du lynch fût appliquée non à tous les équipages de bombardiers, mais uniquement aux pilotes qui s’étaient rendus coupables de crimes manifestes.
Au cours de son interrogatoire, H. Göring souligna : «
Il fallait d’abord définir de façon irrécusable le concept d’ “aviateur terroriste” » (Ibid., p. 382). Après d’âpres discussions, les autorités allemandes définirent ainsi les « attaques terroristes » justifiant le lynchage :
a) Attaques à basse altitude, au moyen d’armes de bord, d’éléments isolés ou en groupe de la population civile.
b) Attaques contre les aviateurs allemands abattus descendant en parachute.
c) Attaques, au moyen d’armes de bord, de trains de voyageurs civils.
d) Attaques, au moyen d’armes de bord, contre les hôpitaux militaires ou civils, ainsi que les trains sanitaires portant une croix rouge apparente[1].
.. et souhaitent respecter les conventions de Genève
De son côté, J. von Ribbentrop aurait voulu que les aviateurs qui participaient à des bombardements de terreur fussent traduits devant des tribunaux militaires et condamnés (à mort, n’en doutons pas). Mais sa proposition resta sans suite car, dans le cadre de la Convention de Genève, il aurait fallu publier une proclamation publique qui définissait tout d’abord ce qu’était un « raid terroriste », ce dont personne ne fut capable.
Face aux juges, il rappela :
Mon point de vue […] était que si, dans de pareilles circonstances, on pouvait faire quelque chose, il fallait le faire sous forme d’une déclaration [selon laquelle] les aviateurs terroristes accusés d’avoir attaqué la population civile seraient jugés par des tribunaux militaires. Ces mesures ou plutôt ces préparatifs devaient être notifiés officiellement à Genève et à l’ennemi par l’intermédiaire de la Puissance protectrice. Les aviateurs jugés coupables par un tribunal militaire seraient condamnés ; s’ils ne l’étaient pas, ils seraient considérés comme de simples prisonniers de guerre. Mais ce projet n’a jamais été mis en pratique […]. [Mon idée] ne fut pas utilisée car, en pratique, il fut impossible de trouver une définition pour ces raids [TMI, X, 316].
Les nationaux-socialistes sont paralysés parce qu’ils respectent le droit international
De son côté, le maréchal Keitel ajouta deux raisons qui avaient convaincu les autorités de repousser le projet de J. von Ribbentrop :
1) en cas d’attaque à très haute altitude, aucun procès n’aurait pu être mené à bien car « aucun tribunal ne pouvait prouver que tel aviateur avait l’intention d’attaquer les objectifs qui, en fait, avaient été atteints » (Ibid., p. 572) ;
2) « les décisions prononcées contre des prisonniers de guerre par des tribunaux militaires devaient être communiquées à l’État ennemi par la Puissance protectrice, et trois mois de sursis devaient être accordés pour permettre à cet État d’élever ses objections contre cette décision. Il était donc absolument impossible d’obtenir par ce moyen, et rapidement, le résultat désiré [l’arrêt des bombardement de terreur après quelques condamnations à mort suivies d’exécution] ».
J’y vois une nouvelle preuve que, contrairement à une opinion fort répandue, les dirigeants nationaux-socialistes n’étaient pas tous, loin de là, des individus qui méprisaient le Droit et qui agissaient hors de tout texte législatif, et cela même lorsque, dans un accès d’indignation bien compréhensible, Hitler le demandait.
Bien au contraire : jusqu’au bout, et alors que leur pays étaient laminé, ils se soucièrent de respecter autant que possible le Droit international.
Les soldats allemands avaient été élevés dans le respect des usages de la guerre
J’ajoute qu’en mars 1945, le chef de l’État-Major général de la Luftwaffe, Herbert Büch, expliqua au Führer pourquoi lui et d’autres s’opposaient à l’exécution d’un tel ordre (laisser lyncher les aviateurs et livrer les prisonniers au SD). Certes, il craignait les inévitables représailles qui seraient opérées contre les membres de la Luftwaffe détenus par l’ennemi, mais il ajouta :
De telles mesures sont en contradiction si flagrante avec l’éducation, les sentiments, les idées de nos soldats, qu’elles ne peuvent pas être exécutées. On ne peut pas inculquer aux soldats les usages de la guerre et de la correction, et leur ordonner ensuite de commettre des actes qui leur répugnent. Vous ne pouvez pas oublier, mon Führer, que les aviateurs ennemis exécutent des ordres et accomplissent leur devoir tout comme les nôtres. S’ils sont abattus ou font des atterrissages forcés, ils sont des prisonniers sans défense et sans armes. Quelle figure ferions-nous devant le monde ? [TMI, XV, 609]
Là encore, j’y vois une preuve supplémentaire que le national-socialisme n’avait pas transformé les Allemands (soldats ou gradés) en monstres dénués de toute morale et de tout sentiment humain. En 1945, pourtant, il régnait depuis douze ans..
En 1945, les aviateurs alliés du camp de Sagan préfèrent suivre les Allemands dans leur retraite plutôt que d’être libérés par l’Armée rouge
Signalons d’ailleurs que les directives de Hitler restèrent lettre morte. Fin janvier 1945, les 10 000 aviateurs prisonniers au camp de Sagan étaient encore bien vivants.
Et lorsque, face à l’avance soviétique, les autorités allemandes décidèrent de liquider le camp, jamais il ne fut question d’assassiner ces détenus. Ceux-ci eurent le choix entre rester sur place pour être remis aux Russes, ou intégrés aux convois d’évacuation de la Silésie.
Témoignant à Nuremberg, H. Büchs déclara qu’ils avaient choisi.. la deuxième solution[2]. Preuve qu’ils ne craignaient nullement leurs geôliers !
Des aviateurs alliés sauvés de la populace par des soldats allemands
En mars 1945, l’équipage d’un avion américain abattu « quelque temps auparavant », fait prisonnier puis libéré par l’avance alliée déclara à la presse qu’il avait été menacé de mort par la populace et qu’il aurait probablement été exécuté si « des soldats allemands ne l’avaient pas délivré et pris sous leur protection » (TMI, XV, 606). (voir une photo)
Les directives d’Hitler restent lettre morte
Toujours à Nuremberg, B. von Brauchitsch expliqua que grâce au cadre légal instauré, des enquêtes avaient été demandées au sujet des aviateurs capturés, mais qu’aucune mesure n’avait été prise, contrairement à ce que voulait Hitler[3] (voir la photo de deux aviateurs prisonniers).
A la question :
A votre avis, peut-on affirmer que les mesures ordonnées par Hitler n’ont pas été exécutée par la Luftwaffe ?
le témoin répondit clairement :
Oui, on peut l’affirmer. Les commandants des unités aériennes ont confirmé que leurs hommes n’ont pas reçu l’ordre d’exécuter les aviateurs ennemis ni de les remettre au SD [TMI, IX, 150].
Ces propos furent confirmés par le maréchal Keitel qui déclara :
aucun ordre de l’OKW [tel que l’aurait voulu Hitler] ne fut jamais établi ou donné à ce propos (TMI, X, 572).
La conclusion s’impose : si l’on excepte quelques cas de lynchages perpétrés par une populace déchaînée, les pilotes tombés au-dessus du IIIe Reich furent traités comme des prisonniers de guerre. Et cela, bien qu’ils eussent violé de façon flagrante les conventions de La Haye [Pour plus d’informations sur ces violations, voir l’article »« , provoquant des centaines de milliers de victimes parmi les civils.
Le national-socialisme, idéologie criminelle ? A voir..
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[1] Doc PS-735 produit à Nuremberg sous la cote GB-151. Voy. TMI, V, 17-18.
[2] « On demanda aux officiers prisonniers s’ils voulaient rester dans le camp pour être remis à l’Armée russe, ou bien s’ils voulaient faire partie des convois d’évacuation de Silésie. Autant que je me souvienne, ils choisirent cette dernière solution […] » (TMI, XV, 612).
[3] « Le Stalag [où étaient détenus les aviateurs capturés] reçut l’ordre de faire des rapports sur les cas de violation, mais non de prendre des mesures. C’est ainsi que nous avons empêché l’exécution des mesures exigées par Hitler » (TMI, IX, 150).