Beaucoup de gens croient que les droits de l’homme et leur cortège de libertés (libertés de recherche, d’opinion et d’expression..) sont l’ultime refuge des persécutés politiques.

Ils rappellent la citation (apocryphe) de Voltaire :

Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire.

.. en m’assurant qu’elle résume parfaitement la philosophie des droits de l’homme.

Des réactions encourageantes

Il est vrai que la censure, par le Conseil constitutionnel, de la récente loi punissant la remise en cause de « l’existence d’un ou plusieurs crimes de génocide défini à l’article 211-1 du code pénal et reconnus comme tels par la loi française » a de quoi susciter de grandes espérances[1]. Cette instance a ainsi justifié sa décision :

Le Conseil a jugé qu’en réprimant la contestation de l’existence et de la qualification juridique de crimes qu’il aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l’exercice de la liberté d’expression et de communication[2].

Lors des débats qui avaient précédé le vote de ce texte, certaines critiques formulées contre le projet pourraient parfaitement être appliquées à la loi Gayssot. Voici par exemple ce que l’on put entendre le 23 janvier 2012 lors des ultimes discussions au Sénat :

Jean-Claude Peyronnet (sénateur socialiste de la Haute-Vienne) :

L’histoire n’est ni commémoration, ni religion, ni mémoire : c’est une science et, à ce titre, la vérité qu’elle tend à établir n’est pas stable. Cette vérité doit pouvoir évoluer en fonction des interprétations nouvelles qui pourraient découler, par exemple, de la découverte de nouvelles sources.
Comme Madeleine Rebérioux l’a fort bien écrit :

le concept même de vérité historique récuse l’autorité étatique. La loi ne saurait dire le vrai.

[3].

Christian Poncelet (sénateur U.M.P. des Vosges, ancien président du Sénat de 1998 à 2008) :

En sollicitant l’homme politique, nous risquons de le grever d’une charge qui ne lui échoit point, celle de se prononcer sur des questions historiques. L’histoire, ce sont avant tout les historiens qui la font, mais ils peuvent aussi la défaire, toute conclusion historique étant relative.
Il ne s’agit pas de contester des faits, ni la douleur des familles et des descendants arméniens, mais je regrette que l’on attribue au législateur une mission qui n’est pas la sienne. Le Parlement n’est pas l’enceinte destinée à valider des conclusions historiques et, corrélativement, à sanctionner tous ceux qui les contesteraient [ibid., p. 14].

Philippe Mardrelle (sénateur socialiste de la Gironde) :

Le génocide arménien est une réalité indéniable : aucune ambiguïté ne demeure sur ce point. Mais, comme beaucoup d’autres, je considère qu’il n’appartient pas aux parlementaires français de criminaliser la négation de ce génocide et d’écrire l’histoire. D’ailleurs, que je sache, les parlementaires ne sont pas élus à l’aune de leurs connaissances historiques [ibid., p. 13].

La fin de la répression antirévisionniste - en France, au moins - serait-elle pour demain ?

Les raisons pour tempérer ses espoirs

Gardons-nous cependant de tout fol espoir. Tout d’abord parce que les noms de ces trois sénateurs n’apparaissent pas dans la pétition lancée par Paul-Éric Blanrue alors que V. Reynouard était emprisonné en vertu de la loi Gayssot. Cette seule absence en dit long sur leur prétendu attachement voltairien à la liberté d’expression.

J.-C. Peyronnet l’hypocrite

Le cas de J.-C. Peyronnet mérite d’ailleurs d’être plus amplement exposé.

Maître de conférence agrégé d’histoire, il a été pendant 22 ans président du Conseil général de la Haute-Vienne (1982-2004). Il est actuellement le président du Centre de la Mémoire d’Oradour-sur-Glane. Cet élu n’a élevé aucune protestation lorsque, pendant près de huit ans (1997-2004), V. Reynouard a été persécuté par les gardiens locaux de la Mémoire, voyant son livre puis sa cassette vidéo interdits de diffusion, son ordinateur et ses archives saisies par la Police et n’évitant la prison qu’in extremis grâce à un arrêt de la cour de Cassation[4].

Parlant du drame du 10 juin 1944, il a déclaré en 2005 :

Les études historiques [officielles] sont solides [5].

Pour J.-C. Peyronnet, donc, la vérité, que l’histoire tend à établir « n’est pas stable ».. sauf pour le drame d’Oradour. Là, les études son « solides », ne laissant nulle place à la contestation. Dès lors, au diable les droits de l’homme, la liberté de recherche et la liberté d’expression.
Contre le chercheur hétérodoxe, tout est permis afin de le faire taire : interdictions, poursuites, saisies, lourdes condamnations, prison..

Il est vrai qu’en annulant l’arrêté d’interdiction du livre de V. Reynouard sur le drame d’Oradour, la Cour européenne des droits de l’homme a finalement défendu la liberté d’expression. Cependant, nous verrons plus loin qu’une décision-cadre prise en novembre 2008 par le Parlement européen risque de tout remettre en cause.

Depuis 1990, il existe en France une « vérité officielle »

L’argumentaire de Madeleine Rebérioux

En déclarant que le législateur ne pouvait pas lui-même qualifier un fait historique de « crime de génocide », les sages du Conseil constitutionnel ont rappelé qu’au « pays des droits de l’homme », il ne saurait y avoir de vérité d’État.
Il n’y a là rien de nouveau. Dès 1990, celle qui était alors présidente de la Ligue des droits de l’homme, l’historienne Madeleine Rebérioux, s’était opposée à toute promulgation d’une « vérité officielle » en écrivant :

La loi […] ne saurait dire le vrai. Non seulement rien n’est plus difficile à constituer en délit qu’un mensonge historique, mais le concept même de vérité historique récuse l’autorité étatique. L’expérience de l’Union soviétique devrait suffire en ce domaine[6].

Si tel est le cas, pourquoi l’État protège-t-il la thèse officielle de l’ « Holocauste » ?

Un argumentaire déjà rejeté au moment où il était exprimé

La réponse est évidente : au moment où elle était exprimée, cette argumentation avait déjà été repoussée. Elle l’avait été cinq mois auparavant, au moment du vote de la loi Gayssot. Le 11 juin 1990 au Sénat, l’élu communiste Charles Lederman (1913-1998), qui défendait bec et ongles le projet, avait lancé :

Non, il n’y aura pas de vérité d’État, mais on se référera à une décision rendue par le tribunal international de Nuremberg et à celles qui sont prononcées par une juridiction nationale ou internationale dans le cadre d’une définition des crimes contre l’humanité donnée aussi bien par le tribunal international de Nuremberg que par notre Cour de cassation à propos de l’affaire Barbie[7].

De façon implicite (nous verrons un peu plus bas pourquoi), l’avocat C. Lederman invoquait ce que l’on appelle « l’autorité de la chose jugée ». Peu après, le sénateur socialiste Guy Allouche s’était exprimé plus clairement en expliquant :

En créant un délit de contestation des crimes de guerre commis par l’Allemagne nazie, la proposition de loi l’insère dans les limites étroites qui se rattachent à la contestation de la chose jugée à Nuremberg [ibid., p. 1454, col. A].

Le message était donc le suivant :

Imposer une vérité officielle ? Jamais ! Nous voulons seulement faire respecter l’autorité de la chose jugée.

Un argument totalement faux

La portée réelle de l’autorité de la chose jugée

Cet argument était inepte pour une simple raison : « l’autorité de la chose jugée » ne saurait être appliquée à quiconque et dans n’importe quelle affaire. Certes, la définition de cette notion s’exprime ainsi :

L’autorité de la chose jugée interdit de remettre en cause un jugement, en dehors des voies de recours prévues à cet effet[8].

A première vue, donc, personne ne saurait remettre en cause le jugement de Nuremberg. Mais l’article 1351 du Code civil énonce :

L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité[9].

Cet article éclaire la question : l’autorité de la chose jugée n’interdit pas de critiquer un jugement par voie de presse ou d’une quelconque autre façon ; elle empêche uniquement qu’une affaire définitivement jugée - donc pour laquelle toutes les voies de recours prévues par la loi ont été épuisées - ne revienne devant les tribunaux du fait des mêmes parties.

Une « fiche Dalloz » confirme

Les fiches Dalloz destinées aux étudiants en Droit le confirment. On lit :

Si le contenu du jugement est immutable, ce n’est pas parce qu’il est présumé conforme à la vérité (si tel était le cas, il serait impossible de justifier l’existence des voies de recours), mais plus directement parce que le législateur veut éviter un renouvellement infini des procès, qui serait contraire à l’exigence de stabilité juridique. C’est pourquoi les voies de recours à l’encontre des jugements sont enserrées dans des délais au-delà desquels le jugement ne peut plus être contesté. Aussi l’autorité de la chose jugée est-elle plutôt présentée aujourd’hui comme un « attribut » attaché à tout jugement afin d’éviter un renouvellement du procès[10].

Un avocat confirme

A l’appui de cette analyse, je citerai cet article limpide publié dans le Journal d’un avocat :

Un commentaire de Raphaël A. fait état de sa surprise de me voir critiquer le jugement rendu par le tribunal correctionnel d’Orléans dans l’affaire des faucheurs d’O.G.M. Il expose avoir tant entendu dans les médias la phrase « il est interdit de commenter une décision de justice » qu’il pensait que c’était effectivement prohibé.
Ce thème revenant assez souvent dans la presse, voici l’occasion de lui faire un sort.
Il n’est absolument pas interdit de commenter une décision de justice en France. Dieu merci, sinon je serais en prison depuis longtemps.
Songez à l’absurdité d’une telle interdiction : quand je fais appel d’une décision, je ne pourrais devant la cour que vanter l’excellence du jugement que j’attaque ? La cour elle même ne pourrait que le confirmer avec des éloges à peine de se voir convoquée devant le Conseil supérieur de la magistrature ?
Quant aux critiques entendues sur l’affaire d’Outreau, elles seraient donc hors la loi, et le procureur général de Paris devrait donc être jeté dans une cellule, idéalement sur la paillasse encore chaude laissée par un des accusés.
Il est des revues spécialisées rédigées par d’éminents professeurs de droit qui ne font que commenter des décisions, et les magistrats les lisent avec beaucoup d’intérêt, y compris et surtout ceux qui ont rendu la décision commentée. Tous les étudiants en droit perdent les plus belles années de leur vie à commenter sans fin des décisions de justice, à disséquer leur sens, leur valeur et leur portée.
Rien de sacrilège donc.
Alors, sur quoi repose donc cette légende urbaine ?
Sur l’article 434-25 du Code pénal, qui sanctionne

Le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance.

Notez que ce qui est interdit est de jeter le discrédit dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance.
Pour être parfaitement clair, le législateur précise à l’alinéa suivant que ces dispositions

ne s’appliquent pas aux commentaires techniques ni aux actes, paroles, écrits ou images de toute nature tendant à la réformation, la cassation ou la révision d’une décision.

Concrètement, quand je dis qu’un juge a estimé qu’il y avait état de nécessité alors qu’à mon sens ces conditions n’étaient pas remplies, je n’encours nulle foudre. Cet article sanctionnera en revanche celui qui dira que les juges qui ont rendu telle ou telle décision étaient soit ivres soit corrompus, que ce jugement fera rire pendant des années dans toutes les facs de droit de France, ou encore, pour citer une jurisprudence réelle, qu’une décision est « un chef d’œuvre d’incohérence, d’extravagance, et d’abus de droit », et que « rarement les annales judiciaires françaises, pourtant assez bien pourvues d’ordinaire en pareille sorte, n’en ont recelé de telles ».
[…]
Donc quand un homme politique déclare, la main sur le cœur, qu’il ne peut commenter une décision de justice, vous saurez désormais que de deux choses l’une : soit cette décision le dérange tant, par exemple parce qu’il a totalement omis de s’informer de son contenu, qu’il préfère esquiver la question, soit le seul commentaire qu’il pourrait faire chercherait immanquablement à jeter le discrédit sur cette décision dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance[11].

La malhonnêteté du sénateur C. Lederman

Quand on sait cela, on comprend pourquoi le sénateur C. Lederman avait évité d’invoquer explicitement l’autorité de la chose jugée. Juriste de formation, il savait que son argument était sans valeur, donc qu’il valait mieux ne pas l’exprimer trop franchement. Mais son collègue G. Allouche, lui, n’était pas juriste ; il était conseiller pédagogique en éducation physique et sportive[12]. Avec toute la naïveté du béotien, il traduisit la pensée du sénateur communiste, mettant involontairement à jour la supercherie.

Le vote de la loi Gayssot avalise le faux argument..

L’ennui est que la loi Gayssot fut tout de même votée, ce qui eut pour effet d’avaliser l’argument de C. Lerderman. Voilà pourquoi le 22 décembre dernier, le député Claude Vanneste put tranquillement déclarer :

La Shoah est protégée par la décision de Nuremberg [13].

C’est un fait et l’on n’y peut rien.

.. et la logique s’enclenche

En 1990, une telle décision pouvait paraître peu de choses. En outre, c’était pour la « bonne cause » : pour faire taire les infâmes « négationnistes », ces « assassins de la mémoire ».
Donc personne, ou presque, ne protesta.
Mais avec ce vote, les parlementaires venaient de conférer à « l’autorité de la chose jugée » une force totalement démesurée, illégitime et démentielle. En d’autres termes, ils venaient d’élever un jugement humain (le jugement de Nuremberg) au rang de « vérité officielle » protégée par la loi.

C’était là encore ouvrir la boîte de pandore, car pour juger, le Tribunal de Nuremberg avait écrit l’Histoire en se référant à des documents et à des témoignages. Les juges de Nuremberg s’étaient donc mués en historiens. Mais il faut alors être cohérent : si leurs conclusions peuvent être déclarées vérité incontestable sous peine de poursuites, au nom de quoi celles des historiens de profession ne pourraient-elles pas l’être elles aussi ? N’ont-ils pas eu, eux aussi, le loisir d’étudier toutes les sources à leur disposition avec, en plus, le recul suffisant ? Dès lors, au nom de quoi pourrait-on interdire au législateur de rendre punissable la contestation de génocide qui, à défaut d’avoir été jugé, serait reconnu par des historiens unilatéralement déclarés fiables ? Il était donc fatal qu’un jour où l’autre, une loi pénalisant la contestation de tous les génocides reconnus par loi - à défaut d’avoir été jugés - soit votée par les deux Assemblées.

Certes, le sursaut du Conseil constitutionnel a finalement empêché cette nouvelle injustice. Il a finalement donné raison à J. –P. Sueur qui s’opposait à ce genre de dérive en expliquant :

[Si l’on compare avec la Shoah, la] situation est très différente s’agissant du génocide arménien de 1915, perpétré antérieurement à l’adoption de la convention du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide et dont les auteurs n’ont jamais été jugés, ni par une juridiction internationale, ni par une juridiction française.
De ce fait, sur un plan strictement juridique, il n’existe pas de définition précise, attestée par un texte de droit international ou par des décisions de justice revêtues de l’autorité de la chose jugée, des actes constituant ce génocide et des personnes responsables de son déclenchement.
Cette difficulté pourrait également valoir pour d’autres génocides que le législateur souhaiterait qualifier comme tels par la loi. Lors des débats à l’Assemblée nationale, a notamment été déposé un amendement tendant à la reconnaissance officielle, par la République française, du génocide vendéen de 1793-1794. Plusieurs propositions de loi ont par ailleurs été déposées au cours des années récentes au Sénat ou à l’Assemblée nationale tendant à reconnaître, par la loi, l’existence du génocide tzigane pendant la seconde guerre mondiale ou encore celle du génocide ukrainien de 1932-1933[14].

Mais il ne faut pas se leurrer. La présente loi sera à nouveau soumise aux élus sous une autre forme ; Nicolas Sakorzy l’a déjà annoncé[15]. Un jour où l’autre, la digue cédera.

Au nom de la cohérence judiciaire

Elle cédera tout d’abord parce qu’en en France, une « vérité officielle » existe ; elle concerne la Shoah. Dès lors, pourquoi n’y en aurait-il pas d’autres, même si elles restent, dans les faits, moins importantes car moins grevées d’enjeux sociopolitiques ?
A ceux qui n’élevaient aucune protestation contre la loi Gayssot mais qui prétendaient s’opposer au nouveau texte, les partisans d’une répression étendue ont eu beau jeu de répondre qu’il fallait être cohérent et ne pas effectuer de distinction entre les génocides. Citons par exemple :

La sénatrice Catherine Troendle :

Nous avons légiféré sur les deux génocides que sont la Shoah et le génocide arménien ; le premier a été assorti d’un dispositif pénal, l’autre non, cette distorsion mérite à mon sens d’être corrigée pour des raisons de cohérence législative[16].

Le député centriste J.-C. Lagarde :

Monsieur Tardy et monsieur Glavany, je ne comprends pas votre position. Si l’on prolonge votre raisonnement, on est en droit de vous poser quelques questions. Pourquoi êtes-vous favorables à la pénalisation actuelle de la contestation du génocide juif ? Au nom de quoi allez-vous faire une différence avec le génocide arménien ? Pardonnez-moi, mais je ne peux admettre cette distinction. A partir du moment où vous reconnaissez qu’il y a eu génocide, si la contestation de l’un est pénalisée, la contestation de l’autre doit l’être aussi. Sinon, on aboutit à une forme d’absurdité. C’est d’ailleurs l’erreur commise en 2001 - je n’étais pas parlementaire à l’époque -, une erreur qui est bien réparée ici, puisque tout génocide qui viendrait à être reconnu à l’avenir tombera sous le coup de la loi[17].

Le ministre P. Ollier :

Monsieur Glavany, c’est votre droit le plus absolu de vouloir maintenir un vide juridique, tout comme M. Bayrou. Mais cette proposition de loi le comble et évite ainsi qu’une distinction soit faite entre les génocides, la négation de l’un étant sanctionnée, tandis que la négation des autres ne le serait pas, ce qui reviendrait à admettre qu’il existe des catégories différentes de génocides [id.].

Cette argumentation, n’en doutons pas, sera répétée encore et encore jusqu’à ce que la digue cède.

Les juifs accepteront

On me répondra que les juifs ne l’accepteront jamais au nom de « l’unicité » de la Shoah. C’est loin d’être certain. J’ai sous les yeux un exemplaire du mensuel Regards, une « publication du centre communautaire laïc juif » (en Belgique).

Daté du 24 octobre 2006, la couverture porte comme titre : « La douleur arménienne. Un génocide oublié ». L’équipe de Regards lutte pour une pleine et entière reconnaissance de ce « génocide ».
Tout d’abord parce que soutenir le révisionnisme turc pourrait donner des armes aux « négationnistes de la Shoah ».

Lorsque, par exemple, une certaine Véronique Rauff explique aux élèves à propos de l’Arménie :

Il n’y a pas d’interprétation à donner aux faits prouvés par de nombreux documents et photos [18]

Lui donner tort serait renforcer les « négationnistes ». Les juifs ne le peuvent donc pas.

Ensuite au nom du combat contre le « négationnisme ». A la page 9 du mensuel, on lit :

Les falsifications de l’histoire ne peuvent perdurer.

Pour les juifs, si le « négationnisme » turque est condamné, il suffira de dire :

Le négation du premier génocide du XXème siècle a été repoussée ; il doit en être de même avec le deuxième génocide, bien plus terrible, bien plus porteur de leçons.


On comprend donc pourquoi dès 1999, le « survivant de la Shoah » Chaïm Kaliski pouvait publier un ouvrage intitulé : Un siècle de génocides (éd. Didier Devillez), dans lequel il évoquait longuement le génocide arménien, comparant Ismail Enver (dit Enver Pacha) à Hitler et Mehmet Talaat Pacha à Himmler.
Même si les juifs revendiqueront toujours « l’unicité » de la Shoah, ils auront intérêt à accepter les autres, y compris leur protection par la loi.

Une inquiétant décision-cadre européenne

La digue cédera pour uen deuxième raison : en 2008, l’Union européenne a pris une très inquiétante décision-cadre sur laquelle nous reviendrons. Condamnant le « négationnisme » en général, elle déclare :

4. Tout État membre peut, lors de l’adoption de la présente décision-cadre ou ultérieurement, faire une déclaration aux termes de laquelle il ne rendra punissables la négation ou la banalisation grossière des crimes visés au paragraphe 1, points c) et/ou d), que si ces crimes ont été établis par une décision définitive rendue par une juridiction nationale de cet État membre et/ou une juridiction internationale ou par une décision définitive rendue par une juridiction internationale seulement[19].

On ne saurait être plus limpide : une décision judiciaire n’est pas nécessaire pour pénaliser la contestation ou la minimisation d’un crime défini à l’article 6 du statut du TMI.
Par conséquent, gageons qu’un jour où l’autre, l’argumentation du Conseil constitutionnel qui a permis de censurer la récente loi pourra être contredite en vertu d’une décision supranationale.

La liberté de recherche déniée aux « méchants »

Allons plus loin. Oui, supposons que, au nom des droits de l’homme, un projet de loi réprimant la contestation de tous les « actes de génocide » reconnus par la France ne puisse jamais voir le jour. Les révisionnistes de l’ « Holocauste » pourront-ils en tirer parti ? Non, et voici pourquoi..

Prenons tout d’abord la sacro-sainte « liberté de recherche ». On dira que dans le pays qui a vu naître l’Encyclopédie, personne ne saurait la limiter. A première vue, c’est parfaitement exact. Mais là comme ailleurs, il faut tenir compte des évolutions.

Une intervention importante du sénateur G. Allouche

En juin 1990, G. Allouche - toujours lui - avait lancé :

Évidemment, il n’appartient pas au juge de dire la vérité en histoire ! Bien sûr, les tribunaux ne vont pas commencer à faire le travail des historiens. Pas plus qu’hier, ce n’est pas devant les tribunaux que l’histoire peut trouver ses juges ! Mais se taire et laisser faire, mes chers collègues, c’est se rendre complice de la supercherie intellectuelle.
S’il est indispensable pour les historiens et pour tout intellectuel de sauvegarder le droit à l’interprétation, il faut aussi pouvoir sanctionner la négation des faits reconnus comme tels par des juridictions incontestables[20].

Réponse à G. Allouche sur Nuremberg

Ignorant le Droit, le sénateur socialiste ignorait également l’Histoire. Car le Tribunal militaire international de Nuremberg (TMI) ne saurait être qualifié de « juridiction incontestable ». Complétant les travaux de V. Reynouard sur ce sujet, j’ai démontré pourquoi ailleurs (pour lire mon étude sur Nuremberg, voir l’article « Comment fut paralysée la défense d’un des principaux accusés à Nuremberg »). Je concluais ainsi :

Ces quelques développements permettent de comprendre qu’au « grand » procès de Nuremberg - et à ceux qui suivirent, les dés étaient pipés. Face à un Ministère public qui avait disposé de tous les documents, du temps et des équipes nécessaires pour échafauder l’accusation, la Défense, elle, avait du travailler dans la précipitation, avec peu de moyens et, surtout, avec les seuls documents à charge que lui avait transmis le Ministère public, auxquels s’ajoutaient les quelques pièces qui avaient échappé aux saisies.
De plus, alors que l’art. 21 des statuts du TMI rendait acceptables la plupart des documents à charge, l’article 18 §a avait permis au Tribunal de rejeter sans raison plausible une grande partie des documents soumis par les avocats.
Un Tribunal autoritairement déclaré irrécusable, un mécanisme de production de « preuves » qui favorisait grandement le Ministère public, des sentences non susceptibles d’appel ni de révision, une Défense qui n’avait pu avoir librement accès aux documents et qui avait vu une grande parti des siens rejetés.. Seuls les ignorants ou les gens de mauvaise foi peuvent prétendre que le TMI de Nuremberg aurait été une « juridiction incontestable ».

Les négationnistes ne sont pas des « chercheurs »

Un droit exorbitant donné au législateur

De quel côté se situe G. Allouche ? Je l’ignore et, finalement, peu m’importe. Car l’essentiel est ailleurs : en déclarant qu’il fallait en même temps « sauvegarder le droit à l’interprétation » et « sanctionner la négation des faits reconnus comme tels par des juridictions incontestables »[21], l’ancien sénateur du Nord avait plaidé le droit pour le législateur de classer les chercheurs en deux catégories bien distinctes : d’un côté les « sérieux », donc libres d’interpréter les faits à leur guise ; de l’autre les « faux » qui, contestant des « faits reconnus comme tels », devaient être sanctionnés.

Un droit exorbitant inconnu dans le passé

Droit exorbitant que nos prédécesseurs repoussaient avec énergie. Dans un ouvrage de morale laïque publié en 1882, on lisait :

Plus une vérité nous paraît fondamentale et importante pour la conduite de la vie, plus nous devons chercher à la répandre, mais par l’enseignement, par la plume, par la preuve enfin, jamais par la force. La libre discussion est d’absolue nécessité dans l’ordre des croyances qui se démontrent et qui se discutent[22].

Ce principe garantissait, au sein de la République, une liberté de recherche pour tous.

Un droit qui dérive de la loi Gayssot

Depuis 1990, toutefois, cette sage position est abandonnée. Au cours des discussions sur ce qu’allait devenir la loi Gayssot, l’ex-communiste Jacqueline Fraysse-Cazalis expliqua (je souligne) :

De la même manière, ce n’est pas porter atteinte à la liberté d’expression, ce n’est pas ériger une histoire officielle que d’interdire le soutien des thèses révisionnistes. Nier la réalité de l’holocauste, l’existence des chambres à gaz n’est pas, ne sera jamais travail d’historien, mais œuvre de falsificateur cherchant à priver l’humanité tout entière d’un de ses souvenirs les plus atroces.
Il n’y rien de liberticide à rappeler les effets des crimes contre l’humanité, crimes déjà imprescriptibles dans notre ordre juridique. L’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité édictée par la communauté internationale avait aussi pour objet de rendre à tout jamais l’oubli impossible. Nous ne pouvons donc accepter que les crimes nazis soient contestés, mis en doute.
A cet égard, la proposition de loi que nous examinons se veut également texte de mémoire et texte de civilisation. On ne peut pas, sauf à tolérer Carpentras, accepter le révisionnisme et la négation du génocide. Les thèses révisionnistes n’ont d’autre but que l’antisémitisme. Leurs auteurs cherchent à effacer des mémoires le régime nazi, à faire oublier la solution finale, tout comme d’ailleurs le racisme antiarabe ou antinoir contribue à effacer des mémoires la colonisation ainsi que les guerres coloniales par lesquelles les peuples opprimés ont recouvré liberté et dignité.
Ces réalités historiques ne doivent pas être oubliées. Elles doivent au contraire être rappelées, enseignées, pour désamorcer le danger raciste toujours latent. Au-delà de son aspect répressif, ce texte se veut donc également pédagogique ; il en appelle à la conscience nationale[23].

Le vote de la loi Gayssot a eu pour effet d’entériner cette argumentation. Désormais, seuls les « vrais » chercheurs doivent être reconnus et protégés, les « faux » étant voués aux gémonies.

Un droit exorbitant reconnu aujourd’hui par les élus..

Le 22 décembre 2011, la députée socialiste Sylvie Andrieux défendit le projet de loi pénalisant la négation de tous les génocides reconnus par la loi en lançant à la tribune de l’Assemblée nationale :

La réalité du génocide [arménien] est établie. Les preuves sont aussi flagrantes que les recherches abondantes sur le sujet. C’est la raison pour laquelle ceux qui se revendiquent de la liberté de douter sont des usurpateurs[24].

On soulignera que cette députée n’est nullement historienne. Elle est cadre commercial d’entreprise de manutention et d’acconage[25]. Cela ne l’empêche pas d’émettre un jugement définitif sur le génocide arménien et, au mépris de toute liberté de recherche, d’exiger la condamnation des chercheurs hétérodoxes qualifiés d’ « usurpateurs ».

Plus explicites encore furent la socialiste Pascale Crozon, l’U.M.P. Patrice Caméjane et le ministre chargé des relations avec le Parlement, l’U.M.P. Patrick Ollier. Ceux-ci déclarèrent respectivement :


Ce qui est en jeu, ce n’est évidemment pas la liberté des historiens d’établir, d’interpréter ou de faire parler les faits. Ce qui est en jeu, c’est au contraire la dissimulation ou le maquillage de faits dans le seul but de soutenir des idéologies de haine [Pascale Crozon, id.].


La reconnaissance de la Shoah [avec la loi Gayssot] a-t-elle empêché les historiens de faire leur travail, a-t-elle entravé leurs recherches ? Certainement pas [Patrice Caméjane, id.].


Je voudrais terminer en évoquant les inquiétudes de M. Tardy en ce qui concerne la liberté de la recherche, la liberté de travail des universitaires. Cette proposition de loi ne met en rien en cause le travail des scientifiques, bien au contraire. Car la nouvelle incrimination générale de négationnisme ne pourra viser ni les universitaires qui chercheront à établir la vérité historique, ni ceux qui travaillent sur ces sujets [Patrick Ollier, id.].
La proposition adoptée par la commission ne vise pas, au plan pénal, les historiens qui travaillent à établir la vérité historique. L’amendement est donc satisfait dans la mesure où le texte n’incrimine pas le fait d’effectuer des recherches sur le déroulement, l’étendue, les auteurs ou les victimes d’un génocide. La loi permettra aux historiens de débattre du contexte et ainsi de mener leurs travaux en toute liberté [id.].

Là encore, la séparation des chercheurs en deux camps est explicite : d’un côté les « historiens » qui, « cherchant à établir la vérité historique », effectuent des recherches dans le « bon sens » et ainsi peuvent travailler librement ; de l’autre, les dissimulateurs et les maquilleurs qui, cherchant uniquement à « soutenir des idéologies de haine », n’ont aucun droit à la liberté de recherche et d’interprétation.

.. y compris chez les opposants au projet de loi

Le plus inquiétant est que même chez les opposants au projet de loi, la liberté de recherche n’est plus considérée comme une garantie pour tous. Dans son rapport déjà cité, J.-P. Sueur écrit (je souligne) :


Le principe de liberté de la recherche scientifique découle, d’une part, des principes de liberté d’opinion et d’expression […], et, d’autre part, du principe d’indépendance des professeurs de l’enseignement supérieur, que le Conseil constitutionnel regarde comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République depuis sa décision n° 83-165 DC du 20 janvier 1984. Selon les termes de cette dernière, « par leur nature même, les fonctions d’enseignement et de recherche non seulement permettent mais demandent, dans l’intérêt même du service, que la libre expression et l’indépendance des personnels soient garanties par les dispositions qui leur sont applicables ».
Or la création d’un délit de contestation ou de minimisation d’évènements historiques qualifiés de génocide par la loi ferait peser un risque certain sur les travaux scientifiques que des historiens seraient amenés à conduire de bonne foi, dès lors que leurs conclusions, fondées sur l’étude de sources historiques, pourraient être regardées comme contestant ou minimisant ces évènements tragiques[26].

C’est clair : la liberté de recherche doit être réservée aux historiens qui sont « de bonne foi ».

La décision du Conseil ne change rien pour les « négationnistes »

Certes, le Conseil constitutionnel a écarté cet argument lorsqu’il s’agit des génocides autres que la Shoah. Mais qu’en est-il pour ceux que l’on appelle les « négationniste » ? Ce n’est pas du tout la même chose car pour nos élus, la négation des génocides - autres que la Shoah, bien entendu - n’entraîne pas une menace « raciste ».

L’absence de « racisme antiarménien »

Dans son Rapport, J. P. Sueur a rappelé :

[…] aucun discours de nature comparable à l’antisémitisme ne paraît viser aujourd’hui, en France et de façon massive, nos compatriotes d’origine arménienne : de ce fait, la création d’une incrimination spécifique de contestation ou de minimisation de l’existence du génocide de 1915 paraît excéder les restrictions communément admises pour justifier une atteinte à la liberté d’expression.
Votre commission observe d’ailleurs que si différents pays ont adopté une législation tendant à réprimer pénalement la négation de la Shoah (Allemagne, Autriche, Belgique), aucun État - pas même l’Arménie - n’a à ce jour rendu la contestation de l’existence du génocide arménien de 1915 passible de poursuites pénales[27].

L’argumentation de J.-P. Sueur était donc la suivante : contrairement au racisme antijuif, le racisme antiarménien n’existe pas en France, donc on doit pouvoir contester le génocide de 1915.

1990 : les « négationnistes » sont des antisémites

A cela, on me répondra que même si l’antisémitisme existe en France, il n’est pas le fait des révisionnistes (pour la simple raison qu’il lui est bien antérieur). C’est sans doute vrai, mais pour nos élus, les « négationnistes » sont d’infâmes individus qui adoptent un discours mensonger pour susciter le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie.

Le 11 juin 1990, celui qui était alors garde des sceaux, Pierre Arpaillange, expliqua (je souligne) :

[…] je pense, pour ma part, que, si la révision de l’Histoire est toujours un droit, souvent un devoir, la négation de l’holocauste par les auteurs qui se qualifient, selon un terme inapproprié, « révisionnistes » n’est, aujourd’hui, qu’une expression du racisme et le principal vecteur contemporain de l’antisémitisme.
Maurice Barrès disait : « Que Dreyfus est capable de trahir, je le tiens de sa race. » Les négateurs de l’holocauste disent-ils autre chose ? « Que l’extermination des juifs soit une invention, nous le tenons de leur race. » Pour ces pseudo-historiens, ce n’est pas la question de la vérité qui est en jeu, et il ne suffit pas, pour les combattre, de dénoncer leur mensonge et de démontrer, une fois encore, la vérité de l’Histoire.
La négation de l’holocauste n’est qu’une expression du racisme, plus habile, plus dissimulée que les autres, plus difficile à atteindre pénalement en l’état du droit. Mais elle doit être poursuivie et sanctionnée pour ce qu’elle est, pour le mal qu’elle peut faire insidieusement.
Certes, le mensonge n’en sera pas pour autant aboli ; du moins ne sera-t-il pas répandu avec la même impudence[28].

Peu après, G. Allouche lança :

[Le négationnisme] tend à jeter le doute sur la réalité des crimes contre l’humanité, de même que les auteurs de cette thèse manifestent un antisémitisme viscéral en tentant de réhabiliter l’idéologie et les auteurs de ces crimes, au nom de la liberté académique et universitaire. Quelle offense à la vérité ! Quelle offense à la mémoire d’une époque où l’on brûla les livres avant de brûler les hommes ! [ibid., p. 1454, col. A]

Dix-huit jours plus tard, C. Lederman déclara :

Il s’agit, vous le savez bien, de l’existence démocratique d’une société dont les principes d’accueil et de tolérance ont fait pendant longtemps de notre pays une terre d’asile et de liberté.
Vous connaissez les propositions que je voulais soumettre à discussion. Il ne s’agit pas […] de porter atteinte à la liberté d’expression ni d’ériger une histoire officielle. Nier la réalité de l’holocauste et l’existence des chambres à gaz n’est pas et ne sera jamais un travail d’historien. Le révisionnisme constitue, en réalité, une œuvre de falsification destinée, entre autres, à réactiver le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie[29].

Même chez les opposants au projet de loi, le révisionnisme était décrit comme une abomination.
Lors des débats, l’ancien sénateur et membre du Rassemblement Démocratique et Social Européen, Ernest Cartigny (1923-2009), expliqua :

Le révisionnisme est une perversion politique de la recherche scientifique ou de la réflexion, tout entière mise au service d’une idéologie. Appliqué aux événements de la Seconde Guerre mondiale, notamment à l’extermination, au moyen des chambres à gaz, des populations juives, mais aussi de tous les opposants au régime nazi, le révisionnisme constitue une atteinte sans égale, par son énormité même, aux dizaines de milliers de témoignages qui ont pu être produits depuis ces tragiques événements et une insulte aux millions de femmes, d’hommes et d’enfants de toutes nationalités, de toutes confessions, de toutes origines qui ont trouvé la mort dans ces tragiques circonstances[30].

.. ce qui ouvrait la voie à leur condamnation par la loi.

Qualifiés de « pseudo-historiens » qui ne feraient « jamais un travail d’historiens », d’individus qui manifestaient un « antisémitisme viscéral » et qui se rendaient coupables d’une « perversion politique de la recherche scientifique ou de la réflexion », les révisionnistes allaient donc pouvoir être lourdement sanctionnés.

2012 : rien n’a changé

Vingt-deux ans plus tard, rien n’a changé. Le 22 décembre dernier à l’Assemblée nationale, les propos suivants furent entendus, sortis de la bouche de trois députés U.M.P., afin de justifier la pénalisation du révisionnisme :


En ce qui concerne la Shoah, la loi Gayssot de 1990 prévoit la pénalisation d’une forme particulière d’antisémitisme. Le racisme n’est pas une opinion mais un délit [Patrice Calméjane][31].


La liberté d’expression, ce n’est pas propager le négationnisme. Le négationnisme, le racisme et la xénophobie ne sont pas une opinion, mais un délit qu’il faut combattre par la loi [Valérie Boyer, id.].


En tant que libéral, je suis par principe opposé à toute forme de restriction de la liberté d’expression. Je peux admettre que, pour des motifs impérieux, notamment la préservation de la paix sociale ou le trouble à l’ordre public, l’on impose le silence sur certains sujets polémiques. Je peux admettre qu’après la dernière guerre, interdire de rappeler des faits vieux de plus de dix ans fut une façon d’empêcher que des épisodes douloureux ne refassent surface. J’admets aussi qu’on ait pu, au début des années 90, interdire la contestation du verdict d’un tribunal international, car derrière cette contestation se cachait un antisémitisme dont on sait ce qu’il a donné en termes de troubles de la paix sociale [Lionel Tardy, id.].

Plus prolixe, l’historien Thomas Fontaine a écrit dans une brochure publiée en 2009 :


Le négationnisme est une idéologie niant la réalité ou l’ampleur du génocide des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale et l’existence des chambres à gaz. Cette idéologie existe dans de très nombreux pays, mais elle a connu en France un développement particulier.

Une question de vocabulaire

Quoique certains médias ou hommes politiques continuent d’appeler cette idéologie « révisionnisme », c’est le terme « négationnisme » (forgé par l’historien Henry Rousso) qu’il convient d’employer. En effet, l’appellation « révisionnisme » est utilisée par les négationnistes eux-mêmes et elle supposerait que ces derniers s’inscrivent dans une démarche intellectuelle acceptable cherchant à réviser des conceptions historiques incomplètes ou fausses. On sait que les historiens révisent régulièrement les conclusions de leurs prédécesseurs. Rien de tel dans la démarche des négationnistes, qui partent de l’affirmation que les chambres à gaz n’ont pas existé, pour conclure après un travail prétendument critique, qu’elles ne peuvent avoir existé ! Il ne s’agit donc pas d’un courant historique, contrairement à ce que les négationnistes ont tenté vainement de faire admettre à partir des années 1970, mais d’une construction idéologique.

Comment peut-on nier l’existence des chambres à gaz ?

Alors même qu’aucun criminel nazi n’a nié la réalité du génocide et des exécutions par gaz, les négationnistes l’ont fait. Leur position est indissociable de leur antisémitisme. Les premiers négationnistes étaient d’ailleurs issus de l’extrême droite antisémite ayant collaboré sous l’Occupation. Ils furent rejoints par un ancien déporté venu de la gauche, Paul Rassinier, lui-même antisémite et qui peut être considéré comme le véritable fondateur du négationnisme. Mais c’est surtout à la fin des années 1970, dans un contexte de révisions de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, que se produit l’émergence publique du négationnisme avec l’apparition dans les médias de Robert Faurisson, universitaire spécialiste de littérature. Autour de Faurisson se trouve un petit nombre de négationnistes issus de l’extrême droite et de l’extrême gauche antisémite. Pour la majorité d’entre eux, le négationnisme est aussi un moyen de remettre en cause l’existence de l’État d’Israël en considérant qu’Israël est né d’un prétendu génocide.

Les relais politiques et médiatiques du négationnisme : un écho multiplié et actuel

Peu nombreux et marginaux, les négationnistes ont pu diffuser leur idéologie lors de scandales provoqués par des prises de position en leur faveur de personnalités politiques et médiatiques connues.

Ces prises de position, qui banalisent un discours antisémite et raciste, donnent une publicité importante à un discours forgé en dehors de tout critère scientifique, souvent flou, ignorant volontairement les avancées historiques qui, depuis une trentaine d’années pourtant, ont éclairé la réalité du génocide des juifs.
Même si depuis 1990 la loi Gayssot est censée sanctionner toute contestation des crimes contre l’humanité et réprimer tout propos raciste, antisémite ou xénophobe, les prises de position négationnistes s’arrangent souvent pour rester aux limites du droit, démontrant les difficultés à faire appliquer ce texte de loi. Tribunaux et avocats ont peu de prises pour répondre aux négationnistes, et ce n’est pas là que peut s’écrire l’histoire. Quant aux historiens, malgré leurs travaux, ils ont encore aujourd’hui du mal à pouvoir nommer tous ceux que Pierre Vidal-Naquet a pourtant justement appelé « les assassins de la mémoire ». Un constat toujours inquiétant[32].

Les révisionnistes accusés de parachever le génocide..

Certains vont plus loin encore en qualifiant les « négationnistes » de meurtriers qui perpétueraient le crime et le parachèveraient. Le 22 décembre dernier, le député socialiste Bruno Le Roux a clairement déclaré :

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Indépendamment des opinions politiques, nous avons toujours été très clairs sur la portée du négationnisme aujourd’hui. Il s’inscrit dans la démarche génocidaire en perpétuant le crime à travers le temps et l’espace. Il parachève l’acte de génocide car, après l’intention d’extermination d’un peuple, qui n’est plus discutée aujourd’hui, la négation du crime, la politique du déni permet d’associer à la destruction physique la destruction de la mémoire de l’humanité. On voit bien le raisonnement politique des tenants de cette attitude, dans notre pays comme ailleurs[33].

.. et d’en préparer un autre

A la même séance, le député U.M.P. Jean-Christophe Lagarde n’a pas hésité à proférer :


Nous disons que la négation d’un génocide est un délit réprimé par la loi parce que cette négation est le premier pas vers la préparation d’un autre génocide [id.].

Conclusion : pas de liberté de recherche pour les « négationnistes »

On retrouve dans ces différentes interventions tous les éléments du discours officiel contre les « négationnistes ».
Son objectif principal est de dénier aux révisionnistes la qualité de chercheurs sérieux.
Les « négationnistes » sont des antisémites qui partent « de l’affirmation que les chambres à gaz n’ont pas existé, pour conclure après un travail prétendument critique, qu’elles ne peuvent avoir existé ! ». Tout ce qu’ils veulent, c’est parachever le génocide commencé par les nazis et en préparer un autre..
Dès lors, sachant qu’ils ne recherchent pas mais qu’ils se contentent de nier au nom d’une idéologie meurtrière, ils ne sauraient invoquer la.. liberté de recherche. C.Q.F.D.

Un discours adopté par la Cour européenne des droits de l’homme

Loin d’être marginal, le discours repris par T. Fontaine est celui de toute la société. J’en veux pour preuve l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme qui, en 2003, expliquait (je souligne) :


L’ouvrage [Les mythes fondateurs de la politique israélienne] qui est à l’origine des condamnations du requérant [Roger Garaudy] analyse de façon détaillée plusieurs événements historiques relatifs à la deuxième guerre mondiale, tels que les persécutions des Juifs par le régime nazi, l’Holocauste, le procès de Nuremberg. S’appuyant sur de nombreuses citations et références, le requérant remet en cause la réalité, l’ampleur, et la gravité de ces faits historiques qui ne font pourtant pas l’objet de débats entre historiens mais sont au contraire clairement établis. Il apparaît, comme l’ont montré les juridictions nationales à l’issue d’une étude méthodique et de constats approfondis, que loin de se limiter à une critique politique ou idéologique du sionisme et des agissements de l’État d’Israël, ou même de procéder à un exposé objectif des thèses négationnistes et de réclamer seulement, comme il le prétend, « un débat public et scientifique » sur l’événement historique des chambres à gaz, le requérant a fait siennes ces thèses et procède en fait à une remise en cause systématique des crimes contre l’humanité commis par les nazis envers la communauté juive[34].

Et de conclure :

Or, il ne fait aucun doute que contester la réalité de faits historiques clairement établis, tels que l’Holocauste, comme le fait le requérant dans son ouvrage, ne relève en aucune manière d’un travail de recherche historique s’apparentant à une quête de la vérité. L’objectif et l’aboutissement d’une telle démarche sont totalement différents, car il s’agit en fait de réhabiliter le régime national-socialiste, et, par voie de conséquence, d’accuser de falsification de l’histoire les victimes elles-mêmes [id.].

C’est en se fondant sur une telle argumentation que la Cour européenne des droits de l’homme a rejeté la requête de R. Garaudy.

Finalement, tout pouvait se résumer avec cette simple phrase :

Vous n’êtes pas des chercheurs, donc vous ne pouvez exciper du droit à la libre recherche.

Point final.

Faut-il invoquer la liberté d’expression ?

Un droit plus large que la liberté de recherche

Face à cela, ceux qui croient pouvoir utiliser les droits de l’homme en faveur des révisionnistes invoqueront la liberté d’expression. Il est vrai qu’en théorie, cette liberté reste indépendante du discours tenu ; elle ne devrait donc pas rester réservée aux seuls « vrais » chercheurs. L’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (10 décembre 1948) stipule :

Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit[35].

Bien plus, un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme déclare :

[La liberté d’expression] vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population[36].

On notera toutefois que cet arrêt date de 1976 et que, depuis, ladite Cour européenne a rejeté plusieurs requêtes de révisionnistes qui invoquaient la liberté d’expression (Roger Garaudy, Pierre Marais..). Contradiction ? Arbitraire de magistrats francs-maçons ? Nullement ! Pour comprendre ces décisions, il convient de s’interroger sur le fondement des droits de l’homme.

Le fondement des droits de l’homme

Les deux premiers articles de la Déclaration universelle

Quel est-il ? La lecture des deux premiers articles de la Déclaration universelle du 10 décembre 1948 permet de répondre à la question :

Article premier
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

Article 2
Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation [ibid., p. 71, col. A].

On en déduit que Blancs, Jaunes ou Noirs, hommes ou femmes, chrétiens, musulmans, bouddhistes, animistes ou athées, de droite, du centre ou de gauche, Argentins, Espagnols ou Guinéens, riches ou pauvres, enfants de roi ou d’esclave, tous les êtres humains ont les mêmes droits et les mêmes libertés.

L’égalité de tous : fondement des droits de l’homme

Seulement, l’égalité des droits et des libertés implique l’égalité tout court. Il est donc légitime d’affirmer que les droits de l’homme se fondent sur l’égalité entre tous les êtres humains. Notons d’ailleurs que dans son ouvrage déjà cité, J.-J. Vincensini écrit tout simplement :

Les droits de l’homme sont des libertés reconnues à tous les hommes considérés comme des êtres égaux[37].

Plus explicite encore, Tahar Ben Jelloun explique :

[…] reconnaître à l’autre personne en face les mêmes droits et les mêmes devoirs que ceux qui sont les miens […] c’est accepter le fait de l’égalité : il n’y a pas d’infériorité ni de supériorité basées sur des apparences et des préjugés[38].

Les inégalités constatées sont contingentes

Certes, les partisans des droits de l’homme ne contestent pas l’existence de différences entre les êtres humains, mais ces différences sont vues comme purement contingentes, donc surmontables et non susceptibles de fonder des principes généraux. L’évolution du Droit de la famille en fournit un bon exemple. Hier, l’époux avait des droits sur l’épouse, mais c’était purement accidentel ; aujourd’hui, les deux époux jouissent d’une totale égalité dans le couple ; c’est ainsi, la loi a évolué pour reconnaître cette égalité qui était auparavant contestée.
Alain Etchegoyen écrit :

Dans la République, les femmes et les hommes doivent avoir des droits égaux, quelles que soient leurs inégalités naturelles [39].

Cette phrase résume parfaitement l’idéologie des droits de l’homme.

Les droits de l’homme nient tout ordre naturel

Par sa revendication égalitaire, cette idéologie nie tout ordre naturel (donc a fortiori tout ordre surnaturel). Lanza del Vasto expliquait avec raison :


L’égalité n’existe pas en tribu, non plus que l’inégalité. Chacun y a sa place marquée par sa naissance, ce qui ne prête à nulle discussion, prétention ou jalousie, ce qui assure l’insertion organique de chacun dans le tout, et la circulation de la vie ou échange de services entre membres non interchangeables. Là où l’on ne cherche pas à se mesurer, on n’a que faire d’égalité ou inégalité. Réussir, c’est remplir sa place, c’est croître en son être, non changer de situation[40].

A propos du lien familial, il écrivait :

C’est le fondement de la Tribu ou société naturelle, le véritable « état de nature » qui a toujours existé et qui existera toujours sous quelque forme.
Ici, l’inégalité est d’origine, car on ne peut dire d’aucun membre d’une famille qu’il est l’égal des autres. Car ni la mère n’est l’égale du père, ni le fils de ses parents, ni le cadet de l’aîné. Et c’est un premier jeu d’indélébiles inégalités.
Ni l’apprenti n’est l’égal du maître, ni le guerrier l’égal de son chef, ni le dévot l’égal du prêtre, ni le disciple l’égal du sage. Et c’est un second jeu d’inégalité - qui parfois coïncide avec le premier quand le Père est en même temps maître, prêtre et sage, comme c’est la règle en tribu [ibid., p. 178].

Les droits de l’homme rendent l’antiracisme obligatoire

Fondé sur l’égalité stricte entre les êtres humains, les droits de l’homme rendent l’antiracisme obligatoire.
T. Ben Jelloun écrit

“Les” races humaines n’existent pas. Il n’y a pas de “race noire” ou de “race blanche” ou de “race jaune”. Le sang qui coule dans les veines des hommes a la même couleur même s’il appartient à des groupes différents.»[41].

Dans cette optique, le racisme devient un péché capital à extirper. Le 11 juin 1990, au Sénat, J. Fraysse-Cazalis déclara :

[…] l’égalité entre les hommes, affirmée par la Révolution de 1789, ne souffre pas le racisme. La fraternité alors proclamée est incompatible avec l’exclusion d’autres ethnies ou d’autres religions[42].

Deux exemples de « libertés » obligatoires découlant des droits de l’homme

Des droits de l’homme découlent d’autres « libertés » obligatoires, parmi lesquelles :

- La liberté en matière de mariage, garantie par l’article 16.1 de la Déclaration universelle du 10 décembre 1948 :

1. A partir de l’âge nubile, l’homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution[43].

- La liberté religieuse, garantie par l’article 18 :

Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites [id.].

Les droits de l’homme rendent la démocratie obligatoire

L’article 21 de la Déclaration universelle

Sachant, enfin, que tous les citoyens sont égaux, personne ne peut prétendre avoir un droit inné au pouvoir. Le pouvoir de gouverner appartient au peuple tout entier. Celui-ci le délègue à des élus. Il en découle un droit de tous à la démocratie, droit garanti par l’article 21 :

1. Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis.
2. Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d’égalité, aux fonctions publiques de son pays.
3. La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote[44].

La Constitution française de 1958

Ce devoir de démocratie au nom de l’égalité est clairement exprimé dans la Constitution française du 4 octobre 1958. On lit :

Article 1er

La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales.

Titre Ier

De la souveraineté

Article 2

[…]
La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

Article 3

La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum.
Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice.
Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret.
Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques[45].

Le paradoxe laïc de la liberté

A ce stade de ma démonstration, certains diront que la démocratie implique nécessairement la liberté d’expression, donc que prêcher un tel régime est la bonne stratégie pour les révisionnistes. Tout cela est hélas une pure illusion.
Considérons ma liberté (dans son acception laïque, bien entendu). Suis-je libre d’y renoncer (en me vendant comme esclave, par exemple) ? Beaucoup répondront oui, puisque c’est ma liberté et que personne ne peut y toucher du moment que je ne gêne pas mon voisin. Mais un bon laïc dira : c’est précisément parce que personne ne peut m’ôter ma liberté que je ne puis moi-même me l’ôter. Au nom de ma liberté, je ne suis donc pas libre d’y renoncer. Telle sont les paradoxes auxquels mène le discours laïc.

Questions capitales

Cela dit, revenons à notre sujet et posons-nous les questions suivantes. Sachant que les droits de l’homme garantissent la liberté au nom de leurs propres « valeurs », que se passe-t-il :

- Si croyant en l’existence d’un ordre naturel, mes opinions philosophiques vont à l’encontre de ces « valeurs » et de certaines des libertés qui en découlent ?

- Si j’affirme l’existence d’une inégalité naturelle entre les races, les sexes, etc. ?

- Si, au nom d’un Bien commun, je refuse de considérer le parlementarisme et la démocratie comme obligatoires en tout temps et en tout lieu ?

Autrement dit : puis-je bénéficier de droit à la libre expression qui m’est garanti par les droits de l’homme si je combats l’idéologie des droits de l’homme ?

La tolérance démocratique a ses limites

Les limites de la tolérance démocratique selon le Guide républicain

Certains invoqueront la tolérance voltairienne pour répondre par l’affirmative.
Cependant, Tzvetan Todorov prévient :

La tolérance est circonscrite par deux limites, le refus de la réglementation uniforme, d’une part, de l’intolérable, de l’autre. L’intolérable, c’est un ensemble de comportements que la société exclut du libre choix des individus et des groupes, parce qu’elle les juge dangereux pour son existence même. La tolérance n’est louable que si elle se conjugue avec l’idée d’un bien public, dont le refus constitue le seuil de l’intolérable. Si la tolérance était illimitée, elle consacrerait le « droit » du plus fort et se détruirait elle-même […].
La tolérance est une acceptation - conditionnelle - de la différence entre groupes et individus, au sein d’une société ; sa pratique, à son tour, devient une caractéristique positive des démocraties modernes[46].

Résumé, le message délivré est le suivant : si vous refusez ce que la société estime être le « bien public », alors nous n’avons pas à vous tolérer, car en vous laissant faire, vous pourriez tuer la tolérance. Plus résumé encore, cela donne : la tolérance étant une « caractéristique positive des démocraties modernes », les non-démocrates ne peuvent l’invoquer.

Le racisme ne bénéficie d’aucune tolérance

Voilà pourquoi en France, le racisme ne bénéficie d’aucune tolérance. Le 11 juin 1990, G. Allouche lança :

Mes chers collègues, ayons toujours à l’esprit que le racisme est la négation de l’idée même de démocratie, de justice et de fraternité humaine[47].

Plus explicite encore, le 22 décembre dernier à l’Assemblée nationale, la députée socialiste Pascale Crozon lança :


Non, l’idée selon laquelle les hommes ne naissent pas libres et égaux n’est pas une opinion dont nous devrions garantir la liberté. Elle est la négation de nos valeurs et principes fondamentaux, un cancer qui menace la cohésion nationale et l’ordre public[48].

Parce que le racisme est « la négation même de démocratie », « la négation de nos valeurs et principes fondamentaux », il est intolérable, donc il ne doit pas pouvoir s’exprimer.. Cela au nom même des libertés démocratiques garanties par les droits de l’homme. Bel exemple de paradoxe !

« Hors des droits de l’homme, point de salut »

Finalement, ce « bien public » invoqué par T. Todorov passe par la démocratie, fille naturelle des droits de l’homme. D’où le principe central du « politiquement correct » : hors des droits de l’homme, point de salut.

Un principe exprimé dans le Préambule de la Déclaration universelle

Sans surprise, ce principe était clairement affirmé dans la Déclaration universelle du 10 décembre 1948 dont le préambule déclarait :

Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité […][49].

Cette affirmation faisait écho au préambule de la Constitution française du 27 octobre 1946 (implicitement repris dans celui de la Constitution du 4 octobre 1958) :

Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République[50].

Un avertissement solennel : droits de l’homme ou barbarie

Ces phrases résonnaient et résonnent encore comme un avertissement : « Attention ! Ce sont les droits de l’homme ou la barbarie ». Dès lors, une seule voie s’offre à l’humanité : l’adoption et la défense les droits de l’homme. Le préambule de la Déclaration universelle du 10 décembre 1948 l’affirme sans détour :

Considérant qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression.
[…]
Considérant que les États Membres se sont engagés à assurer, en coopération avec l’Organisation des Nations Unies, le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
[…]
L’Assemblée Générale proclame la présente Déclaration universelle des droits de l’homme comme l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société, ayant cette Déclaration constamment à l’esprit, s’efforcent, par l’enseignement et l’éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d’en assurer, par des mesures progressives d’ordre national et international, la reconnaissance et l’application universelles et effectives, tant parmi les populations des États Membres eux-mêmes que parmi celles des territoires placés sous leur juridiction[51].

Les limites à la Liberté pour protéger les droits de l’homme

Les articles 29 et 30 de la Déclaration universelle

La conclusion logique de ce préambule est capitale : seuls peuvent invoquer les droits de l’homme les partisans des droits de l’homme. D’où les deux derniers articles de la Déclaration universelle qui prévoient toutes les limitations possibles aux droits de l’homme afin de les protéger et de protéger en même temps leur fille naturelle, la démocratie :

Article 29
[…]
2. Dans l’exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun n’est soumis qu’aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d’assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d’autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique.
3. Ces droits et libertés ne pourront, en aucun cas, s’exercer contrairement aux buts et aux principes des Nations Unies.

Article 30
Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés[52].

C’est clair : pas de droits de l’homme pour les ennemis de ces droits et de la démocratie. Nous retrouvons là le principal paradoxe du discours laïc..

Des textes européens promettent monts et merveilles..

Sans surprise, ces restrictions paradoxales se retrouvent dans les textes européens. Considérons tout d’abord la Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne, parue le 18 décembre 2000 au Journal officiel des Communautés européennes[53]. Ses articles 11, 12, 13, 47, 48 et 49 nous promettent monts et merveilles :

Chapitre II
Libertés

Article 11
Liberté d’expression et d’information

1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières.
2. La liberté des médias et leur pluralisme sont respectés.

Article 12
Liberté de réunion et d’association

1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association à tous les niveaux […].

Article 13
Liberté des arts et des sciences

Les arts et la recherche scientifique sont libres. La liberté académique est respectée. [ibid., C 364/11]

CHAPITRE VI
Justice

Article 47
Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial

Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.
[…]

Article 48
Présomption d’innocence et droits de la défense

1. Tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
2. Le respect des droits de la défense est garanti à tout accusé.

Article 49
Principes de légalité et de proportionnalité des délits et des peines

[…]
3. L’intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l’infraction [ibid., C 364/20].

.. mais les fondements de l’Europe sont rappelés..

Mais attention : l’Europe repose sur les droits de l’homme et leur fille naturelle, démocratie. C’est ce qu’énonce l’article 6, § 1, du traité sur l’Union européenne dont voici le texte :

1. L’Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’État de droit, principes qui sont communs aux États membres.

Cet article est davantage développé dans le préambule de la Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne. On lit (je souligne) :

Préambule

[…] l’Union se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité ; elle repose sur le principe de la démocratie et le principe de l’État de droit. Elle place la personne au cœur de son action en instituant la citoyenneté de l’Union et en créant un espace de liberté, de sécurité et de justice.

.. pour justifier des limitations aux libertés

Par conséquent, l’exercice des droits ne peut se faire que dans une perspective purement « démocratique ». L’article 52.2 de la Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne précise :

Les droits reconnus par la présente Charte qui trouvent leur fondement dans les traités communautaires ou dans le traité sur l’Union européenne s’exercent dans les conditions et limites définies par ceux-ci [ibid., C 364/21].

D’où cet article 54 :

Interdiction de l’abus de droit
Aucune des dispositions de la présente Charte ne doit être interprétée comme impliquant un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente Charte ou à des limitations plus amples des droits et libertés que celles qui sont prévues par la présente Charte.

La portée réelle de l’arrêt Handyside

Dans l’arrêt Handyside rendu en 1976 et dont il a déjà été question, les juges n’avaient pas manqué de rappeler cette réalité. A l’adresse de tous les « mal pensants », ils avaient écrit :

Son rôle de surveillance commande à la Cour de prêter une extrême attention aux principes propres à une « société démocratique ». La liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels de pareille société, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun. Sous réserve du paragraphe 2 de l’article 10 (art. 10-2), elle vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de « société démocratique ». Il en découle notamment que toute « formalité », « condition », « restriction » ou « sanction » imposée en la matière doit être proportionnée au but légitime poursuivi[54].

En clair, la Cour déclarait que si l’on protégeait la liberté d’expression, c’était au nom de la démocratie. Dès lors et conformément à la logique, la liberté d’expression ne doit pas permettre de mettre en danger la démocratie.

Un message repris par les élus

Lors des débats sur le projet de loi antirévisionniste, ce message fut répété plusieurs fois. G. Allouche déclara :

Le seul véritable seuil de tolérance atteint dans notre pays n’est-il pas celui des 15 % de Français qui votent librement, sans gêne et sans honte, pour la haine, l’exclusion, la xénophobie et l’antisémitisme ? Depuis quand la démocratie tolère-t-elle qu’on offre un débouché à la haine ? Le philosophe Milan Kundera parle d’or lorsqu’il dit :

En 1990, la démocratie est l’alliée de ses propres fossoyeurs.

S’accommodera-t-on, sans trouble aucun et pour longtemps, d’un racisme sans fard, banalisé à force d’être répété et amplifié, voire suscité par les médias ? Alors que la liberté d’expression a pour limites certaines valeurs essentielles et le respect des droits d’autrui, n’est-ce pas au nom d’une perversion de cette liberté que s’expriment aujourd’hui, dans le registre de l’opinion, racisme et antisémitisme ?
Avons-nous déjà oublié que c’est au nom de la démocratie, du suffrage universel et de la liberté d’expression qu’Hitler est arrivé au pouvoir ?[55]

Et aussi :

[…] lorsqu’il se fait militant et prédateur, le racisme met en cause la paix civile. Procédant de la volonté d’exclusion d’autrui, incompatible avec l’idée même de démocratie, il met en danger les fondements ultimes de l’existence sociale.
Si l’on admet que la France est une société où doivent coexister plusieurs communautés se référant à des valeurs philosophiques et à des religions différentes, le législateur et le juge ne peuvent admettre que l’une ou l’autre de ces communautés prétendent exercer une quelconque hégémonie, ni que les valeurs ou modes de vie soient diffamés. Cette attitude est commandée autant par le respect de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen que par la nécessité de maintenir la paix civile [ibid., p. 1453, col. B.].

D’où cette conclusion :

Si l’on admet tous que le racisme est un délit et non une opinion, il n’est plus possible de s’abriter derrière la liberté d’expression et derrière certains articles de la loi de 1881 [ibid., p. 1454, col. A].

Peu après, le garde des sceaux P. Arpaillange confirma en expliquant :

Le racisme n’est pas, comme je l’ai entendu dire tout à l’heure, je ne sais quel sentiment exacerbé d’une différence. Le racisme est une agression et non une opinion ; pis, le racisme est une théorie de l’agression. C’est pourquoi il faut le combattre sur plusieurs modes différents : idéologiquement, par la transformation des esprits et l’éducation, ce que nombre d’entre vous ont souligné aujourd’hui ; politiquement, en s’attaquant aux raisons profondes qui font qu’il peut se développer sur certains terrains, par une politique résolue d’intégration ; pénalement, enfin, car le racisme, lorsqu’il s’exprime, met toujours gravement en cause l’ordre public, et la liberté d’opinion ou d’expression n’a rien à y voir[56].

Les limites inévitables prévues dans les articles 10 et 11

D’où toutes ces limitations au nom des « valeurs » des droits de l’homme et de la démocratie. Citons par exemple la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les articles 10 et 11 stipulent :

Article 10
Liberté d’expression

Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.
L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.

Article 11
Liberté de réunion et d’association

Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.
L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État.
(voir ces deux articles : art 10, art 11)

L’ombre du révolutionnaire Saint-Just

Là encore, ces restrictions sont justifiées par un autre article qui, dans une version plus juridique, reprend le cri du révolutionnaire Louis Antoine de Saint-Just : « Pas de liberté pour les ennemis de la Liberté ». Il s’agit de l’article 17 qui énonce :

Interdiction de l’abus de droit

Aucune des dispositions de la présente Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues à ladite Convention.

D’où cet appel - logique - de G. Allouche, à déclarer les « racistes impénitents » inéligibles :

La sanction par l’inéligibilité, aggravée en cas de récidive par la perte des droits civiques, peut avoir un caractère à la fois symbolique et dissuasif. En effet, est-il nécessaire de rappeler dans cette enceinte que se présenter au suffrage de ses concitoyens postule que l’on a fait sien le principe de coexistence ? On ne peut être élu pour légiférer dans l’intention de discriminer et de rejeter, car c’est contraire à l’esprit et à la lettre de notre loi fondamentale[57].

La démocratie n’est que pour les démocrates, tel était ici le message..

Un principe ancré dans les esprits


L’affirmation selon laquelle la liberté d’expression doit être limitée est tellement ancrée dans les esprits que le 22 décembre dernier, le député U.M.P. François Rochebloine n’a pas hésité à interrompre son collègue Christian Vanneste qui, au nom de la liberté d’expression, déclarait « malvenu » le projet de loi pénalisant la contestation de tous les génocides reconnus par la France. Voici ce que l’on put entendre :

M. le président. - La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. - Monsieur le président, mes chers collègues, je ne voterai personnellement ni pour ni contre ce texte, car j’estime qu’il est malvenu.
Il est malvenu pour deux raisons.
La première vient d’être rappelée : c’est une atteinte à la liberté d’expression,..

M. François Rochebloine. - On ne peut pas tout dire ![58]

Citons également Sylvie Andrieux qui, peu auparavant, avait lancé avec raison :

La liberté d’expression et d’opinion est aussi parfois invoquée pour combattre la loi. Mais personne, à notre connaissance, ne conteste celle de 1972 qui fait du racisme un délit, pas plus que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui précise dans son article 10, relatif à la liberté d’expression : « L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique […] ». De même, la loi sur la presse de 1881 qui protège de la diffamation n’est pas contestée [id.].

Le cœur du problème : les révisionnistes sapent les fondements des droits de l’homme

La mise en garde de G. Allouche en 1990

Ces quelques développements permettent de comprendre pourquoi la tolérance démocratique reste réservée aux partisans des droits de l’homme. Sauf bouleversement, les révisionnistes n’ont donc aucun espoir d’en bénéficier, car en contestant l’existence des « actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité », ils remettent en cause la légitimité des droits de l’homme telle qu’elle est exposée dans le préambule de la Déclaration universelle du 10 décembre 1948 (« Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité.. »).

Le 11 juin 1990, G. Allouche invoqua de manière implicite cet argument lorsqu’il lança :

Le fondement de cette incrimination [contestation de crime contre l’Humanité] se trouve dans la Constitution elle-même, puisque le préambule de la Constitution de 1946 commence ainsi :

Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine..

Sans la mémoire, la vérité devient mensonge, car elle ne prend que le masque de la vérité, et qu’est-ce qu’un témoin sans mémoire ? Ajoutons qu’il n’est pas d’avenir se fondant sur un refoulement du passé, ni de pardon qui passe par l’oubli des victimes.
Comment ne pas penser aux millions de juifs, de tziganes, de francs-maçons, de communistes, de démocrates et de résistants qui trouvèrent l’ultime force de graver, avec leurs ongles, dans les fours crématoires et les chambres à gaz, ces mots terribles :

N’oubliez jamais

en guise d’appel à l’humanité !
Tenter de les oublier, n’est-ce pas, aujourd’hui, les tuer une seconde fois ?[59].

L’arrêt Garaudy en 2003

Treize ans plus tard, la Cour européenne des droits de l’homme l’utilisa à son tour de façon un peu plus explicite. Dans l’arrêt Garaudy déjà cité, on lit (je souligne) :

Or, il ne fait aucun doute que contester la réalité de faits historiques clairement établis, tels que l’Holocauste, comme le fait le requérant dans son ouvrage, ne relève en aucune manière d’un travail de recherche historique s’apparentant à une quête de la vérité.
L’objectif et l’aboutissement d’une telle démarche sont totalement différents, car il s’agit en fait de réhabiliter le régime national-socialiste, et, par voie de conséquence, d’accuser de falsification de l’histoire les victimes elles-mêmes.
Ainsi, la contestation de crimes contre l’humanité apparaît comme l’une des formes les plus aiguës de diffamation raciale envers les Juifs et d’incitation à la haine à leur égard. La négation ou la révision de faits historiques de ce type remettent en cause les valeurs qui fondent la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et sont de nature à troubler gravement l’ordre public. Portant atteinte aux droits d’autrui, de tels actes sont incompatibles avec la démocratie et les droits de l’homme et leurs auteurs visent incontestablement des objectifs du type de ceux prohibés par l’article 17 de la Convention.
La Cour considère que la plus grande partie du contenu et la tonalité générale de l’ouvrage du requérant, et donc son but, ont un caractère négationniste marqué et vont donc à l’encontre des valeurs fondamentales de la Convention, telles que les exprime son Préambule, à savoir la justice et la paix. Elle considère que le requérant tente de détourner l’article 10 de la Convention de sa vocation en utilisant son droit à la liberté d’expression à des fins contraires à la lettre et à l’esprit de la Convention. De telles fins, si elles étaient admises, contribueraient à la destruction des droits et libertés garantis par la Convention.
En conséquence, la Cour estime qu’en vertu des dispositions de l’article 17 de la Convention, le requérant ne peut pas se prévaloir des dispositions de l’article 10 de la Convention en ce qui concerne les éléments relevant de la contestation de crimes contre l’humanité[60].

Dans ce long passage, la phrase capitale est :

La négation ou la révision de faits historiques de ce type remettent en cause les valeurs qui fondent la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et sont de nature à troubler gravement l’ordre public.

Le message est clair : si le révisionnisme est vrai, alors le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme s’effondre et c’est tout qui est remis en cause..

Les aveux récents

Les aveux les plus nets furent formulés le 22 décembre dernier par deux sénateurs centristes :

- François Rochebloine qui, dans son intervention à propos du projet de loi réprimant tous les génocides reconnus par la France, expliqua (je souligne) :

Il y a un trouble, une atteinte grave à la démocratie quand on nie l’existence des pratiques génocidaires. En effet, ces pratiques sont manifestement contraires aux droits de l’homme tels qu’ils sont reconnus par les sociétés civilisées et constatés dans des déclarations universelles obligatoires en droit international. En niant leur caractère de génocide, on affaiblit du même coup la portée de ces déclarations de droits et des garanties qu’elles présentent pour les citoyens. On porte ainsi atteinte à la démocratie elle-même. Cela ne peut être toléré par une société soucieuse de son avenir et de sa cohésion dans le respect des libertés fondamentales[61].

- Jean-Christophe Lagarde qui, à la même occasion, déclara (je souligne) :

Le maire de Drancy que je suis peut le dire : lorsqu’on fait visiter les camps d’extermination à des groupes de jeunes et que ceux-ci, qui ne sont pas seulement d’origine turque, émettent un doute sur le génocide juif, lorsque des enfants, à Auschwitz, peuvent se mettre à rire, cela signifie que nous n’avons pas fait non seulement notre travail d’enseignement, mais aussi notre travail de lutte contre des gens cherchant à diffuser, à travers le révisionnisme et le négationnisme, une propagande qui vise à nier les principes les plus fondamentaux des droits de l’homme, auxquels nous sommes attachés. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes U.M.P. et N.C. et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) [id.]

Au nom de la liberté, pas de liberté pour les « négationnistes »

Voilà pourquoi J. Fraysse-Cazalis a pu déclarer qu’ « interdire les thèses révisionnistes » n’était pas « porter atteinte à la liberté d’expression ».
Dans sa logique, en effet, cette interdiction vient au contraire défendre les libertés garanties par la démocratie fille des droits de l’homme. Notons d’ailleurs que son collègue d’alors, l’ancien sénateur communiste de l’Essonne Robert Vizet, le dit ouvertement. Le 11 juin 1990, il lança :

Quels peuvent être les arguments pour rejeter un tel texte ? Une menace contre les libertés, comme l’a prétendu à l’Assemblée nationale […] M. Philippe de Villiers ? Cela est ridicule ! […]
C’est, bien au contraire, un texte de défense des libertés dont nous avons à débattre aujourd’hui, un texte dont le seul et unique objectif est de lutter efficacement contre les véritables crimes contre la démocratie et l’Histoire que sont le racisme et l’antisémitisme ![62].

Un mois plus tard, la loi Gayssot parut au Journal officiel. Au nom des libertés démocratiques garanties par les droits de l’homme, on supprimait toute liberté aux « négationnistes »..

Aujourd’hui, cet état de fait est accepté, même par ceux qui s’opposaient à la loi pénalisant la contestation de tous les génocides reconnus par la France. Le 22 décembre 2001 à l’Assemblée nationale, L. Tardy déclara :

Si l’antisémitisme me semble constituer un trouble à l’ordre public suffisant pour justifier la loi Gayssot, les autres cas me semblent insuffisamment le constituer pour justifier la présente loi[63].

Voilà pourquoi les « négationnistes » n’ont rien à attendre ni des autorités, ni du Conseil constitutionnel. Pis, la société allant toujours jusqu’au au bout de sa logique, la répression s’aggravera. Je m’explique.

La société va jusqu’au bout de la logique

Des interdictions toujours plus larges

On punit désormais la « minimisation »

Le Rapport du sénateur J.-P. Sueur

La loi Gayssot, J.-P. Sueur en reconnaît la légitimité. Il s’oppose au fait de sanctionner aussi la « minimisation » des génocides reconnus officiellement. Dans son Rapport déjà cité, on lit :

Votre commission souligne également l’imprécision des termes retenus par la proposition de loi : le fait de « contester ou de minimiser de façon outrancière » l’existence d’un génocide est plus large que sa seule négation et peut porter sur l’ampleur, les méthodes, les lieux, le champ temporel du génocide, sans forcément nier, au terme de l’analyse et de manière générale, qu’il y en ait eu un. Ces termes seraient susceptibles de soulever de réelles difficultés d’appréciation s’agissant de la contestation ou de la minimisation d’évènements historiques sur lesquels les historiens poursuivent leurs travaux[64].

Il est vrai qu’initialement, seule la « contestation » était punie. Mais là comme ailleurs, la société va jusqu’au bout.
Quand on interdit la contestation, il faut tout interdire : la minimisation et même le doute exprimé publiquement, sans quoi les « négateurs » trouveront les expressions adéquates pour rester dans les limites de l’acceptable, tout en étant compris par le plus grand nombre.

L’innovation belge de 1992

D’où l’innovation de la loi antirévisionniste belge concoctée en 1992 par deux socialistes, Claude Eerdekens et Yvan Mayeur. Parue au Moniteur (l’équivalent belge du Journal officiel) le 23 mars 1995, elle déclare (je souligne) :

Article 1. Est puni d’un emprisonnement de huit jours à un an et d’une amende de vingt-six à cinq mille francs quiconque […] nie, minimise grossièrement, cherche à justifier ou approuve le génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale[65].

La France rattrape son retard

Comme on pouvait s’y attendre, la France s’est empressée de rattraper son retard. D’après une jurisprudence du 29 janvier 1998 :

La minoration outrancière du nombre des victimes de la politique d’extermination dans les camps de concentration caractérise le délit de contestation de crimes contre l’humanité […] lorsqu’elle est faite de mauvaise foi[66].

Une autre jurisprudence du 12 septembre 2000 rend punissable :

La contestation de l’existence des crimes contre l’humanité […] même si elle est présentée sous forme déguisée ou dubitative, ou encore par voie d’insinuation ; elle est également [punissable] lorsque, sous couvert de recherche d’une supposée vérité historique, elle tend à nier les crimes contre l’humanité commis par les nazis à l’encontre de la communauté juive [ibid., point n° 7].

En France, tout est désormais entièrement verrouillé.

La décision-cadre européenne de 2008

Et sans surprise, l’Union européenne suit le mouvement. Le 28 novembre 2008, reprenant l’éternel bla-bla sur le racisme, les députés européens ont adopté la décision-cadre suivante :

Décision-cadre 2008/913/JAI du Conseil du 28 novembre 2008 (entrée en vigueur le même jour) sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal :

LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,
[…]
considérant ce qui suit :
(1) Le racisme et la xénophobie sont des violations directes des principes de liberté, de démocratie, de respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’État de droit, principes sur lesquels l’Union européenne est fondée et qui sont communs aux États membres.

a arrêté la présente décision-cadre :

Article premier
Infractions relevant du racisme et de la xénophobie

1. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour faire en sorte que les actes intentionnels ci-après soient punissables :
[…]
c) l’apologie, la négation ou la banalisation grossière publiques des crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, tels que définis aux articles 6, 7 et 8 du Statut de la Cour pénale internationale, visant un groupe de personnes ou un membre d’un tel groupe défini par référence à la race, la couleur, la religion, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique lorsque le comportement est exercé d’une manière qui risque d’inciter à la violence ou à la haine à l’égard d’un groupe de personnes ou d’un membre d’un tel groupe ;
d) l’apologie, la négation ou la banalisation grossière publiques des crimes définis à l’article 6 de la charte du Tribunal militaire international annexée à l’accord de Londres du 8 août 1945, visant un groupe de personnes ou un membre d’un tel groupe défini par référence à la race, la couleur, la religion, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique, lorsque le comportement est exercé d’une manière qui risque d’inciter à la violence ou à la haine à l’égard d’un groupe de personnes ou d’un membre d’un tel groupe[67].

Les crimes de guerre et crimes contre la paix appelés à être protégés par la loi

Cette décision élargit considérablement le champ de la répression, car les génocides et autres « crimes contre l’humanité » ne sont plus les seuls concernés. L’article 1.c parle également des « crimes de guerre ».

Bien plus, l’article 1.d mentionne les « crimes définis à l’article 6 de la charte du Tribunal militaire international annexée à l’accord de Londres du 8 août 1945 », ce qui inclut non seulement les « crimes contre l’humanité » et les « crimes de guerre », mais aussi les « crimes contre la paix » (TMI, I, 12-3).

Cette décision-cadre ouvre donc la porte à l’adoption de textes infiniment plus répressifs que les lois actuelles. Désormais, une loi pourrait être votée qui interdirait toute remise en cause de la thèse officielle selon laquelle l’Allemagne hitlérienne est totalement responsable du déclenchement de la seconde guerre mondiale.

De quoi combler les espoirs des gardiens de la Mémoire d’Oradour

Ce risque d’élargissement de la répression n’est pas purement théorique : en décembre 2011, la députée socialiste de Haute-Vienne, Monique Boulestin, a exprimé le désir de voir le drame d’Oradour qualifié de « crime contre l’humanité » afin de pouvoir plus facilement « dénoncer et poursuivre » les « écrits négationnistes et révisionnistes ». Intervenant à l’Assemblée nationale, elle a déclaré :

Permettez-moi une réflexion toute personnelle : native d’une région qui a vécu le terrible drame d’Oradour-sur-Glane, en Haute-Vienne, je sais combien il est difficile de préserver la mémoire de ce passé douloureux et surtout d’en faire respecter la vérité historique : faute d’outils législatifs paraissent régulièrement des écrits négationnistes et révisionnistes qu’avec les derniers témoins et les associations, notamment d’anciens combattants, nous ne cessons de dénoncer et de poursuivre. C’est pourquoi nous souhaitons naturellement inscrire le massacre d’Oradour dans la liste des crimes contre l’humanité[68].

Avec la décision-cadre de 2008, Mme Boulestin n’aura plus à œuvrer pour qu’Oradour soit reconnu comme un « crime contre l’humanité ». Son caractère de « crime de guerre » suffira. L’affaire sera d’autant plus aisée que le texte européen ajoute :

(10) La présente décision-cadre n’empêche pas un État membre d’adopter des dispositions de droit interne étendant le champ d’application de l’article 1er, paragraphe 1, points c) et d), aux crimes visant un groupe de personnes défini par des critères autres que la race, la couleur, la religion, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, tels que le statut social ou les convictions politiques[69].

La France pourra donc voter une loi qui interdira toute contestation des crimes dont aurait été victime « la population d’Oradour-sur-Glane »..

Plus besoin de discours racistes

La disparition de l’élément intentionnel

Dans son Rapport déjà cité, J.-P. Sueur écrit :

La présente proposition de loi se présente comme la transposition en droit interne de la décision-cadre 2008/913/JAI du 28 novembre 2008 relative à la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal. En réalité, elle ne propose qu’une transposition très imparfaite de cette dernière.
L’article 1er de cette décision-cadre dispose en effet que « chaque État-membre prend les mesures nécessaires pour faire en sorte que [...] soient punissables l’apologie, la négation ou la banalisation grossière publiques des crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, tels que définis aux articles 6, 7 et 8 du Statut de la Cour pénale internationale, visant un groupe de personnes ou un membre d’un tel groupe défini par référence à la race, la couleur, la religion, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique lorsque le comportement est exercé d’une manière qui risque d’inciter à la violence ou à la haine à l’égard d’un groupe de personnes ou d’un membre d’un tel groupe ».
Ainsi, l’incrimination prévue doit viser les comportements « exercés d’une manière qui risque d’inciter à la violence ou à la haine » : sa finalité n’est donc pas de protéger la mémoire mais de lutter contre la discrimination. Or l’infraction créée par l’article 1er de la proposition de loi ne comporte pas cet élément intentionnel, lié à la prévention des discriminations et à la lutte contre le racisme et la xénophobie [ibid., section III, B.].

La disparition de l’élément intentionnel date de la loi « antiraciste » de 1972

L’ennui est que :
- la loi « antiraciste » Pleven du 1er juillet 1972 avait consacré cette disparition de l’élément intentionnel.

Dans La Francophobie, Eric Delcroix a judicieusement expliqué :

Que constate-t-on à ce stade de décomposition de la pensée juridique et de la rigueur judiciaire ? […] la disparition de l’élément intentionnel. Il importe peu que le journaliste en cause ait eu ou non l’intention de provoquer à la haine. On ne s’interroge pas sur la question de sa bonne foi. Mais des juges glossateurs apprécient souverainement que l’écrit qui leur est soumis « ne peut que susciter » ou est « susceptible de susciter », ici un tiers sentiment (la peur) « de nature à provoquer à la haine.. »
[…]
Le décret-loi Marchandeau [1939] exigeait explicitement ce qui allait sans dire, savoir la nécessité de l’élément intentionnel. Pour ce faire, il énonçait que les propos en cause devaient « avoir pour but d’exciter à la haine ». Ce but, nos juges sidérés l’ont oublié, faisant de la provocation à la haine raciale un délit métaphysique.
Dès les mois qui ont suivi la promulgation de la loi, M. Foulon-Pignol, vice-président du Tribunal de Grande Instance de Paris, exultait : « L’incrimination est débarrassée de l’exigence d’un but d’excitation à la haine, élément constitutif dont la preuve s’est avérée particulièrement malaisée.. » Confondant : voilà que l’on débarrasse l’accusation de la charge de la preuve dès lors qu’elle est « malaisée »..[70]

Le cas de la loi Gayssot

- Fille de la loi Pleven, la loi Gayssot ne comporte pas non plus cet élément intentionnel. Pour s’en convaincre, il suffit de relire l’article 24 bis :

Art. 24 bis. (L. n° 90-615, 13 juillet, 1990, art. 9). - Seront punis des peines prévues par le sixième alinéa de l’article 24 ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l’article 23, l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale[71].

La contestation de la Shoah est donc automatiquement punie, quelle que soit l’intention de son auteur. La raison est simple : pour le législateur, le « négationnisme » est en lui-même un discours raciste. Les différentes citations publiées dans cette étude le démontrent amplement. Par conséquent, l’intention d’appeler à la haine n’est nullement à établir puisqu’elle est le mobile même du discours.

J.-P. Sueur accepte cette analyse..

Notons d’ailleurs que J.-P. Sueur accepte cette analyse quand il reprend à son compte la décision Garaudy. Dans son rapport déjà cité, il écrit :

Si la « loi Gayssot » paraît compatible avec le principe de liberté d’opinion et d’expression, c’est notamment parce qu’elle tend à prévenir - aujourd’hui - la résurgence d’un discours antisémite. Dans une décision Garaudy du 24 juin 2003, la Cour européenne des droits de l’homme a ainsi considéré que « la contestation des crimes contre l’humanité apparaît comme l’une des formes les plus aiguës de diffamation raciale envers les Juifs et d’incitation à la haine à leur égard. La négation ou la révision de faits historiques de ce type remettent en cause les valeurs qui fondent la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et sont de nature à troubler gravement l’ordre public »[72].

.. qui refermera le piège

Mais encore une fois, il faut être cohérent : si la « négation de la Shoah » relève du racisme antijuif, on ne voit pas pourquoi la « négation du génocide arménien » ne serait pas, en elle-même, du racisme antiarménien. Dès lors, au diable l’élément intentionnel. Et voilà J.-J. Sueur piégé..

Un pouvoir exorbitant donné aux magistrats

Le bon sens de deux élus..

Pour tenter d’en sortir, J.-P. Sueur affirme que ce discours antiarménien est quasiment invisible en France. Avant lui, L. Tardy avait lancé à l’Assemblée nationale :

si l’antisémitisme me semble constituer un trouble à l’ordre public suffisant pour justifier la loi Gayssot [sic], les autres cas me semblent insuffisamment le constituer pour justifier la présente loi [73].

.. balayé par la tradition antiraciste..

L’ennui est que ce n’est ni au député L. Tardy, ni au sénateur J.-P. Sueur d’apprécier l’ampleur du discours antiarménien en France. Ce n’est même pas aux Arméniens eux-mêmes. C’est aux magistrats.
Voilà pourquoi depuis bien longtemps, les textes dits « racistes » peuvent être poursuivis directement par le Ministère public. Que dit en effet la loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 ? Ceci :

la poursuite pourra être exercée d’office par le Ministère public lorsque la diffamation ou l’injure aura été commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée [Voy. le Code Pénal (éd. Dalloz, 2004), p. 1987.].

La « justice » française peut donc poursuivre même si personne ne se manifeste.

.. et par la récente décision européenne

Cette possibilité exorbitante laissée au Ministère public est clairement affirmée dans la décision-cadre européenne du 28 novembre 2008. Le onzième point du préambule déclare :

Il y a lieu de faire en sorte que les enquêtes et les poursuites relatives aux infractions relevant du racisme ou de la xénophobie ne dépendent pas de déclarations ou d’accusations émanant des victimes, qui sont souvent particulièrement vulnérables et hésitent à engager des poursuites[74].

Quant à l’article 8 de la décision-cadre, il énonce :

Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour faire en sorte que les enquêtes sur les actes visés aux articles 1er et 2 ou la poursuite de leurs auteurs ne dépendent pas d’une déclaration ou d’une accusation émanant de la victime de l’acte, du moins dans les cas les plus graves où l’acte a été commis sur son territoire [id.].

Dans la logique « antiraciste », ces dispositions se comprennent parfaitement. Car l’antiracisme véhicule l’image manichéenne du pauvre immigré sans défense et intimidé victime du Blanc méchant, violent et sans pitié. J.-P. Sueur se retrouve donc piégé par une logique à laquelle il adhère..

La société pousse sa logique jusqu’au bout

Voilà plus d’un siècle, l’abbé Antoine de Salinis prévenait :

La logique des nations est aussi rigoureuse que la vérité de Dieu même. Un individu peut reculer devant des conséquences, la société, jamais[75].

Le décision-cadre adoptée voilà plus de trois ans par le Parlement européen en est une parfaite illustration. Elle prépare la voie à une répression toujours plus accrue.
Aujourd’hui, en France, seule la Shoah est concernée, car la décision du Conseil constitutionnel a censuré la loi qui devait pénaliser la contestation des faits qualifiés de « crimes de génocide ». Mais ne nous leurrons pas. Après N. Sarkozy, François Hollande a annoncé son intention de « reprendre le dossier » s’il était élu à la présidence de la République[76]. Puis viendront les crimes de guerre et les crimes contre la paix, les crimes commis contre tel ou tel groupe spécifique..

Conclusion : oui aux soutiens étrangers

Impossible d’invoquer les droits de l’homme

Ces quelques développements permettent de comprendre pourquoi il est parfaitement vain de prétendre défendre les révisionnistes en invoquant les droits de l’homme. C’est totalement méconnaître la nature profonde de ces droits. Loin d’être un rempart pour la liberté d’opinion, la liberté de recherche et la liberté d’expression, ils justifient au contraire le bâillonnement des libres chercheurs en histoire.
Deux siècles plus tard, l’ombre du révolutionnaire Louis Antoine de Saint-Just plane encore sur nous, parce que son cri « pas de liberté pour les ennemis de la Liberté » fonde finalement les droits de l’homme.

A ceux qui refusent les soutiens venus du Moyen-Orient

Les Européens premiers responsables

Sachant en outre que, dans son immense majorité, le peuple en Europe cautionne (activement ou passivement) cette répression, seuls restent, pour porter le flambeau, les défenseurs de la cause palestinienne et autres antisionistes.
On me dira qu’il s’agit la plupart du temps d’Arabes et de musulmans qui mettent en danger l’Europe avec leur démographie galopante et leur islam conquérant. Pour ma part, je ne crois absolument pas au « péril islamique ».

Je suis d’accord avec V. Reynouard qui a expliqué pourquoi dans une brochure intitulé : Face au « péril islamique », que faire ? [77]. Mais supposons que je me trompe. Oui, prenons à la lettre et comme une injonction toujours actuelle faite aux Arabes la fameuse déclaration de l’ancien président algérien Mohamed Ben Brahim Boukharouba (alias Houari Boumediene) à la tribune de l’O.N.U. le 10 avril 1974 :

Un jour, des millions d’hommes quitteront l’hémisphère sud pour aller dans l’hémisphère nord. Et ils n’iront pas là-bas en tant qu’amis. Parce qu’ils iront là-bas pour le conquérir. Et ils le conquerront avec leurs fils. Le ventre de nos femmes nous donnera la victoire[78].

Je répondrai alors que pour éviter de se faire submerger, un peuple doit lui-même faire des enfants et que le meilleur rempart contre une conquête religieuse n’est ni « le retour du rouleau compresseur républicain », ni « une laïcité sans concession », comme le prétend Marine Le Pen[79], mais une spiritualité forte à opposer.

« La Nature a horreur du vide », ce précepte se vérifie toujours. Quand, sur un territoire, un peuple fatigué ne croit plus en rien et ne fait plus d’enfants, d’autres peuples plus jeunes arrivent et le supplantent. Aujourd’hui, l’Europe meurt par sa faute au motif que, dans leur immense majorité, les Blancs sont rongés par l’hédonisme.

Trouver une terre d’asile pour nos thèses

Les révisionnistes doivent donc se tourner vers ceux qui seront prêts à accepter leur message. Qu’en feront-ils ? Je l’ignore. Mais je crois que toute idée en péril pour cause de situation sociale extrêmement défavorable doit trouver des terres d’asile. Peu importe l’exploitation qui en sera faite là-bas. L’essentiel est qu’elle puisse vivre en attendant de pouvoir revenir lorsque la situation aura changée.
Et si la situation ne change jamais ? Et si, submergée, l’Europe que nous défendons en vient à ne plus exister ? Ces questions ne doivent pas être prises en considération : l’important, aujourd’hui, est de faire essaimer le révisionnisme dans d’autres partie du monde afin qu’il ne meure pas. Le reste n’est pas notre affaire.

Des scrupules contre-productifs

Voilà pourquoi je soutiens totalement les libres chercheurs qui répondent aux invitations étrangères, même lorsqu’il s’agit de l’Iran.

Il faut se libérer des scrupules et cesser de vouloir paraître fréquentables. Nous ne le serons jamais ! En France, le révisionnisme existe depuis trente ans ; tout le monde a eu la possibilité d’en apprécier le sérieux.

S’il reste diffamé, injurié et réprimé, c’est parce les gens le rejette d’emblée. Si les gens le rejettent d’emblée, c’est parce qu’il dérange au plus haut point. Et s’il dérange au plus haut point, c’est parce que, dans la guerre idéologique qui continue contre le national-socialisme, il rend obsolète une grande partie de l’arsenal des « bons ». Nos adversaires le savent pertinemment. Lorsqu’il affirme qu’ « en niant leur caractère de génocide, on affaiblit du même coup la portée de ces déclarations de droits [de l’homme] et des garanties qu’elles présentent pour les citoyens », le député F. Rochebloine est au cœur du problème. Qu’on le veuille ou non, le révisionnisme sape les fondements du Nouvel Ordre mondial. Avec ou sans le soutien du président Ahmadinejad, les libres chercheurs seront donc toujours considérés par Big Brother comme des monstres à faire taire. Dès lors, pourquoi repousser le soutien iranien ? Acceptons-le, au contraire, et poursuivons notre noble mission qui consiste à propager la vérité historique, prélude au rétablissement d’autres vérités.

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[1] Voici le texte de cette loi :
« Article 1er
« Le paragraphe 1er du chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par un article 24 ter ainsi rédigé :
« “Art. 24 ter. – Les peines prévues à l’article 24 bis sont applicables à ceux qui ont contesté ou minimisé de façon outrancière, par un des moyens énoncés à l’article 23, l’existence d’un ou plusieurs crimes de génocide défini à l’article 211-1 du code pénal et reconnus comme tels par la loi française.
“Le tribunal peut en outre ordonner l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal.”
« Article 2
« L’article 48-2 de la même loi est ainsi modifié :
« 1° Après le mot : “déportés”, sont insérés les mots : “ , ou de toute autre victime de crimes de génocide, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou de crimes ou délits de collaboration avec l’ennemi” ;
« 2° À la fin, les mots : “l’infraction prévue par l’article 24 bis” sont remplacés par les mots : “les infractions prévues aux articles 24 bis et 24 ter” ».
[2] Voy. la dépêche AFP du 28 février 2012.
[3] Voy. Sénat, séance du 23 janvier 2012 (compte rendu intégral des débats). Consultable à l’adresse suivante : http://www.senat.fr/seances/s201201/s20120123/s20120123012.html. Pour la citation, voir les pages 12 et 13.
[4] Pour en savoir plus sur cette saga judiciaire,voir l’article.
[5] Voy. Le Figaro, 13 janvier 2005, consultable à l’adresse suivante : http://www.tetedeturc.com/home/spip.php?article2790.
[6] Voy. L’Histoire, n° 138, novembre 1990, p. 93. L’article de Mme Rebérioux est consultable à l’adresse suivante : http://www.aidh.org/hist-mem/gayssot03.htm
[7] Voy. le Journal Officiel de la République française, Sénat, débats parlementaires, mardi 12 juin 1990, p. 1449.
[8] Voy. les « Fiches Dalloz de révision » destinées aux étudiants en Droit, fiche intitulée : « L’autorité de la chose jugée », consultable à l’adresse suivante : http://fiches.dalloz-etudiant.fr/droit-prive/detail/fiche/153/h/fcb167438f20961d672cccd5ef1d6f45.html.
[9] Voy. Code civil (éd. Dalloz, 2005), p. 1216.
[10] Voy. les « Fiches Dalloz de révision » destinées aux étudiants en Droit, fiche intitulée : « L’autorité de la chose jugée », consultable à l’adresse suivante : http://fiches.dalloz-etudiant.fr/droit-prive/detail/fiche/153/h/fcb167438f20961d672cccd5ef1d6f45.html.
[11] Source : http://www.maitre-eolas.fr/post/2005/12/16/252-pourquoi-on-peut-commenter-une-decision-de-justice.
[12] Voy. le site du Sénat : http://www.senat.fr/senateur/allouche_guy83010h.html.
[13] Voy. son intervention à l’Assemblée nationale le 22 décembre 2011 (http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2011-2012/20120094.asp#INTER_2).
[14] Voy. J.-P. Lesueur, « Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi », section III, A, 1 ; http://www.senat.fr/rap/l11-269/l11-2694.html.
[15] « Nicolas Sarkozy a aussitôt chargé le gouvernement de préparer un nouveau texte prenant en compte la décision de censure. “Le président de la République a pris acte de la décision » et « mesure l’immense déception et la profonde tristesse de tous ceux qui avaient accueilli avec reconnaissance et espoir l’adoption de cette loi destinée à les protéger contre le négationnisme”, indique un communiqué de la présidence. » (voy. la dépêche AFP du 28 février 2012)
[16] Discussions au Sénat le 18 janvier 2012 ; http://www.senat.fr/rap/l11-269/l11-2697.html.
[17] Voy. son intervention le 22 décembre 2011 à l’Assemblée nationale (source : http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2011-2012/20120094.asp#P72_2291).
[18] Voy. Regards, n° 625, 24 octobre 2006, p. 9, col. A.
[19] Source : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32008F0913:FR:HTML.
[20] Voy. le Journal Officiel de la République française, Sénat, débats parlementaires, mardi 12 juin 1990, p. 1454, col. A
[21] Voy. le Journal Officiel de la République française, Sénat, débats parlementaires, mardi 12 juin 1990, p. 1454, col. A.
[22] Voy. Henri Marion, Leçons de morale (Librairie classique Armand Colin et Cie, 1882), p. 240.
[23] Voy. le Journal Officiel de la République française, Sénat, débats parlementaires, mardi 12 juin 1990, pp. 1457-8.
[24] Source : http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2011-2012/20120094.asp#INTER_2.
[25] Voir sa fiche à l’Assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/13/tribun/fiches_id/271.asp.
[26] Voy. J. P. Sueur, « Rapport fait au nom.. », déjà cité, section III, A, 3 ; http://www.senat.fr/rap/l11-269/l11-2694.html.
[27] Voy. J.-P. Sueur, « Rapport fait au nom.. », déjà cité, section III, A, 1 ; http://www.senat.fr/rap/l11-269/l11-2694.html.
[28] Voy. le Journal Officiel de la République française, Sénat, débats parlementaires, mardi 12 juin 1990, p. 1447, A.
[29] Voy. le Journal Officiel de la République française, Sénat, débats parlementaires, vendredi 29 juin 1990, p. 2310, col. B.
[30] Voy. le Journal Officiel de la République française, Sénat, débats parlementaires, mardi 12 juin 1990, p. 1456, B.
[31] http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2011-2012/20120094.asp#INTER_2.
[32] Voy. Thomas Fontaine, Déportation & Génocide, l’impossible oubli (éd. Tallandier avec la FNDIRP, 2009), p. 138.
[33] http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2011-2012/20120094.asp#INTER_2.
[34] Voy. CEDH, décision Garaudy c. France, 24 juin 2003. Consultable à l’adresse suivante : http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?action=html&documentId=682271&portal=hbkm&source=externalbydocnumber&table=F69A27FD8FB86142BF01C1166DEA398649.
[35] Voy. J.-J. Vincensini, op. cit., p. 72, col. A.
[36] CEDH, 7 décembre 1976, affaire Handyside c. Royaume-Uni, p. 18 de la version française (consultable à l’adresse suivante : http://www.rtdh.eu/pdf/19761207_handyside_c_uk.pdf.).
[37] Voy. J.-J. Vincensini, op. cit., p. 20.
[38] Voy. le Guide républicain (éd. Delagrave, 2004), article : « Racisme », p. 70.
[39] Voy. le Guide républicain, déjà cité, article « Égalité », p. 42.
[40] Voy. L. del Vasto, Les quatre fléaux (éd. Denoël, 1959), p. 245.
[41] Voy. le Guide républicain (éd. Delagrave, 2004), article : « Racisme », p. 71.
[42] Voy. le Journal Officiel de la République française, Sénat, débats parlementaires, mardi 12 juin 1990, p. 1457, A.
[43] Voy. J.-J. Vincensini, op. cit., p. 72, col. A.
[44] Voy. J.-J. Vicensini, op. cit., p. 72, col. B.
[45]
[46] Voy. le Guide républicain, déjà cité, article « Tolérance », p. 77.
[47] Voy. le Journal Officiel de la République française, Sénat, débats parlementaires, mardi 12 juin 1990, p. 1454, col. B.
[48] Source : http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2011-2012/20120094.asp#INTER_2.
[49] Voy. J.-J. Vicensini, op. cit., p. 70, col. B.
[50] Voy. Stéphane Rials, Textes constitutionnels français (Presses Universitaires de France, 1982), p. 81. Pour le préambule de la Constitution de 1958, voy. p. 98. On lit : « Le Peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils sont définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 ».
[51] Voy. J.-J. Vicensini, op. cit., p. 71, col. A.
[52] Voy. J.-J. Vicensini, op. cit., p. 73, col. B.
[53] Pour la version française, voy. le J.O. des Communautés européennes, FR, 18 décembre 2000, C 364/1 à C 364/22.
[54] CEDH, 7 décembre 1976, affaire Handyside c. Royaume-Uni, p. 18 de la version française (consultable à l’adresse suivante : http://www.rtdh.eu/pdf/19761207_handyside_c_uk.pdf.).
[55] Voy. le Journal Officiel de la République française, Sénat, débats parlementaires, mardi 12 juin 1990, p. 1453, col. A.
[56] Voy. le Journal Officiel de la République française, Sénat, débats parlementaires, mardi 12 juin 1990, p. 1464, col. A.
[57] Voy. le Journal Officiel de la République française, Sénat, débats parlementaires, mardi 12 juin 1990, pp. 1453-4.
[58] http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2011-2012/20120094.asp#P72_2291.
[59] Voy. le Journal Officiel de la République française, Sénat, débats parlementaires, mardi 12 juin 1990, p. 1454, col. A.
[60] Voy. CEDH, décision Garaudy c. France, 24 juin 2003. Consultable à l’adresse suivante : http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?action=html&documentId=682271&portal=hbkm&source=externalbydocnumber&table=F69A27FD8FB86142BF01C1166DEA398649
[61] Source : http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2011-2012/20120094.asp#INTER_2.
[62] Voy. le Journal Officiel de la République française, Sénat, débats parlementaires, mardi 12 juin 1990, p. 1462, col. A.
[63] Voy. son intervention le 22 décembre 2011 à l’Assemblée nationale (source : http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2011-2012/20120094.asp#P72_2291).
[64] Voy. J.-P. Sueur, « Rapport fait au nom.. », déjà cité, section III, A, 1 ; http://www.senat.fr/rap/l11-269/l11-2694.html.
[65] Source : http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&table_name=loi&cn=1995032331.
[66] Voy. le Code pénal (Dalloz, 2004), p. 1905, col. B, point n° 6.
[67] Source : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32008F0913:FR:HTML.
[68] Source : http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2011-2012/20120094.asp#INTER_2. Voy. également Le Populaire, 26 décembre 2001.
[69] Source : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32008F0913:FR:HTML.
[70] Voy. E. Delcroix, La Francophobie (éd. Libres Opinions, 1993), pp. 54-5.
[71] Voy. le Code Pénal (Dalloz, éd. 2004), p. 1904.
[72] Sueur, III, A, 2 ; http://www.senat.fr/rap/l11-269/l11-2694.html.
[73] Voy. son intervention le 22 décembre 2011 à l’Assemblée nationale (source : http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2011-2012/20120094.asp#P72_2291).
[74] Source : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32008F0913:FR:HTML.
[75] Voy. abbé de Salinis, La divinité de l’Église, tome 1 (éd. Torla et Haton, 1865), p. 103.
[76] Voy. l’article du Monde intitulé : « Génocide arménien : Hollande s’engage à reprendre le dossier s’il est élu ». On peut le lire directement sur le Blog de Rivarol à l’adresse suivante : http://rivarol.over-blog.com/article-reactions-apres-le-rejet-de-la-loi-sur-le-genocide-armenien-100422405-comments.html#anchorComment.
[77] Cette brochure et bien d’autres sont disponibles au catalogue du V.H.O. On peut se le procurer gratuitement sur simple demande auprès d’U. Cairat.
[78] Voy., par exemple, http://grincheux.typepad.com/weblog/2010/02/houari-boumediene.html
[79] Voy. Marine Le Pen, A contre flots (éd. Grancher, 2006), pp. 319-320.