Ce que valent les « petites phrases » de Hitler

Sachant qu’il n’existe aucun ordre écrit de Hitler qui aurait donné le feu vert à une extermination des juifs d’Europe, PHDN a rassemblé des écrits et des propos antisémites très violents du Führer :

Voir : http://www.phdn.org/histgen/hitler/declarations.html

Il faut cependant se méfier de ces petits extraits présentés hors contexte, car on peut alors aisément se tromper sur leur sens.

Premier contre-sens

PHDN écrit par exemple :

A propos du moyen par lesquels les peuples peuvent se libérer du « mal juif » on peut lire dans Mein Kampf (publié en 1926) :

Aucun d’eux [les peuples dominés par les Juifs] ne peut écarter cette main [celle des Juifs] de sa gorge autrement que par le glaive. Seule, la force rassemblée et concentrée d’une passion nationale peut, d’un sursaut, braver les menées internationales qui tendent à réduire les peuples en esclavage. Mais un tel geste ne saurait aller sans effusion de sang » (Adolf Hitler, Mon Combat, N.E.L., 1934, p. 649).

Voir page 649 de Mein kampf :

Présenté ainsi, ce texte laisse croire que la lutte contre la domination juive ne pourrait être menée « sans effusion de sang ».
Or, il suffit d’ouvrir Mein Kampf pour s’apercevoir que ce passage s’inscrit dans un paragraphe consacré aux frontières allemandes de 1914. Hitler prévenait :

Il ne saurait faire question pour personne que même le rétablissement des frontières de 1914 ne puisse être atteint sans verser le sang. Seuls, les esprits puérils et naïfs peuvent se bercer des l’idée d’amener une révision du traité de Versailles par l’humilité et les supplications » (voy. Mein Kampf, p. 649).

Il expliquait ensuite pourquoi :

Ce ne sont plus les princes et les maîtresses des princes qui marchandent les frontières des États, mais c’est maintenant l’inexorable Juif cosmopolite qui combat pour la domination des autres peuples » (id.).

Puis venait la conclusion du paragraphe, citée par PHDN :

Aucun d’eux ne peut écarter cette main de sa gorge autrement que par le glaive. Seule, la force rassemblée et concentrée d’une passion nationale peut, d’un sursaut, braver les menées internationales qui tendent à réduire les peuples en esclavage. Mais un tel geste ne saurait aller sans effusion de sang .

Voir la page 649 de Mein Kampf :

Présenté dans le contexte, le vrai sens de cet exposé apparaît.

Hitler disait :

Vous voulez revenir aux frontières de 1914 ? Soit, mais sachant que les nouvelles frontières ont été données à l’Allemagne par la juiverie internationale avec pour objectif de réduire notre peuple en esclavage, on ne pourra jamais obtenir une révision de cet état de fait par la négociation. Dès lors, seule une guerre (donc une effusion de sang) pourra le permettre.

On le voit, l’ « effusion de sang » dont parlait Hitler était sans rapport avec un pogrom généralisé.

Deuxième contre-sens

Immédiatement après, PHDN explique :

Toujours dans Mein Kampf, Hitler a clairement exprimé ce qui aurait justifié le « sacrifice » de millions d’Allemands, voire aurait pu en sauver certains :

Si l’on avait, au début et au cours de la guerre, tenu une seule fois douze ou quinze mille de ces Hébreux corrupteurs du peuple sous les gaz empoisonnés que des centaines de milliers de nos meilleurs travailleurs allemands de toute origine et de toutes professions ont dû endurer sur le front, le sacrifice de millions d’hommes n’eût pas été vain. Au contraire, si l’on s’était débarrassé à temps de ces quelques douze mille coquins, on aurait peut-être sauvé l’existence d’un million de bons et braves Allemands pleins d’avenir » (Adolf Hitler, Mon Combat, N.E.L., 1934, p. 677-678)

PHDN nous demande donc de croire que, pour Hitler, la première guerre mondiale et ses millions de morts eut été justifiée si elle avait pu permettre l’extermination de douze à quinze milliers de juifs.

C’est entièrement faux ! Dans ces deux pages, Hitler voulait justifier la « guerre d’extermination » (p. 678) que l’Allemagne au marxisme. Il reprenait sa thèse selon laquelle la première guerre mondiale avait été perdue à cause des chefs marxistes juifs qui avaient trahi le pays et poussé les masse à faire de même.

Son message était :

Si l’on avait supprimé ces chefs marxistes (juifs) en 1914 ou 1915, alors la guerre aurait eu une autre fin et le sacrifice de millions d’Allemands n’aurait pas été vain.

J’invite le lecteur à lire les pages 677 et 678 (note : quand, au second paragraphe de la page 677, Hitler parle de « l’agression française », il évoque l’occupation de la Ruhr en 1923). Le lecteur constatera que PHDN ment effrontément en prétendant que Hitler aurait été prêt à sacrifier des millions d’Allemands, juste pour exterminer quelques milliers de juif.

Voir les pages 677 & 678 de Mein kampf :

Esbroufe et malhonnêteté

Plus loin, PHDN écrit :

Le 30 janvier 1939, Hitler déclare dans un discours au Reichstag :

Aujourd’hui, je serai encore un prophète : si la finance juive internationale en Europe et hors d’Europe devait parvenir encore une fois à précipiter les peuples dans une guerre mondiale, alors le résultat ne serait pas la Bolchevisation du monde, donc la victoire de la juiverie, au contraire, ce serait l’anéantissement de la race juive en Europe. (14)

La note 14 est très longue et impressionne par son érudition :

(14). Eberhard Jäckel, Hitlers Weltanshchauung, Deutsches Verlag-Anstalt, 1991, p. 72 : « Ich will heute wieder ein Prophet sein : Wenn es dem internationalen Finanzjudentum inner- und außerhalb Europas gelingen sollte, die Völker noch einmal in einen Weltkrieg zu stürzen, dann wird das Ergebnis nicht die Bolschewisierung der Erde und damit der Sieg des Judentums sein, sondern die Vernichtung der jüdischen Rasse in Europa ». Le compte rendu de la séance fait alors état d’applaudissements prolongés. On peut les entendre sur un enregistrement. Nous choisissons de traduire « Judentum » par « juiverie » et non par « judaïsme ». En effet, dans les discours d’Hitler, les expressions « Judentum » (la juiverie, les Juifs), « die Juden » (les Juifs), « der Jude » (le Juif), et « die jüdische Rasse » (la race juive) sont interchangeables et signifient toujours pour Hitler l’ensemble des Juifs. Traduire « Judentum » par « judaïsme » ignore complètement le caractère concret et collectif de l’emploi hitlérien du mot. Il ne s’agit pas de la religion juive, mais bien pour Hitler de désigner la collectivité des Juifs. La distinction est la même que celle qui existe entre « Chrétienté », au sens de l’ensemble des Chrétiens, et « Christianisme ». Traduire par « les Juifs » ou par « la juiverie » ne constitue d’ailleurs pas une sur-traduction dans la mesure où le Grand dictionnaire Langenscheidt propose lui-même la traduction de « Judentum » par le collectif « les Juifs ». Le Harraps Universal Dictionnaire Allemand/Français - Français/Allemand donne pour premier sens de Judentum : « Gesamheit der Juden » (ensemble des Juifs) et traduit par « les Juifs ». Les traductions en anglais utilisent généralement « Jewry » pour rendre « Judentum ». On peut remarquer que de nombreuses traductions en français font l’impasse sur ce caractère collectif et concret, ne tiennent pas compte du contexte et de l’emploi hitlérien du mot, et rendent bien souvent « Judentum » dans les discours d’Hitler par un « judaïsme » à la limite du contre-sens. Ainsi, la traduction française de l’ouvrage de Eberhard Jäckel, rend-elle « Judentum » systématiquement par « judaïsme », notamment pour le discours cité (Hitler Idéologue, Gallimard, Tel, 1995, p. 83).

Impressionnant, n’est-ce pas ? On se dit qu’avec des gens si sérieux et si minutieux, il n’y a aucun risque de tromperie.
L’ennui est qu’au lieu de nous entretenir pendant des lignes et des lignes sur un problème (réel, certes) de traduction, les auteurs auraient plutôt dû citer la suite du discours de Hitler. Le Führer déclarait :

En effet, le temps n’est plus où les peuples non juifs étaient sans défense dans le domaine de la propagande. L’Allemagne national-socialiste et l’Italie fasciste possèdent à présent des institutions qui leur permettent, le cas échéant, d’éclairer le monde sur la nature d’une question dont bien des peuples ont une notion instinctive, mais qui leur paraît obscure au point de vue scientifique. Pour le moment, la juiverie peut, dans certains États, mener sa campagne avec le concours d’une presse qui est entre ses mains, du cinéma, de la radiophonie, du théâtre, de la littérature etc. Cependant, pour le cas où les juifs réussiraient à nouveau à inciter des millions d’êtres humains à une lutte insensée en ce qui les concerne, et ayant pour unique objet la défense des intérêts juifs, on verra se manifester l’efficacité d’une propagande éducatrice qui, en Allemagne même, a réussi en quelques années à terrasser la juiverie[1].

Voir les documents :

Cette suite est capitale. Elle démontre que dans l’esprit du Führer, il n’était pas question d’un anéantissement physique par l’assassinat systématique, mais d’un anéantissement social (expulsion de la vie économique) grâce à une propagande éducatrice orchestrée en direction des goyim.

C’est effectivement ce qui s’était passé en Allemagne à partir de 1935, avec les lois de Nuremberg et leurs suites, lorsque les juifs avaient été, en partie seulement, mis au ban de la société.

Encore une fois, donc, PHDN révèle toute sa malhonnêteté.

Le vrai sens de certains discours ultérieurs

Cette conclusion est capitale, car elle permet d’éclairer le vrai sens des discours ultérieurs dans lesquels Hitler parlait de l’anéantissement (Vernischtung) de la juiverie ou annonçait que le Juif (der Jude) serait éradiqué (ausgerottet).

PHDN en cite quelques-uns :

Dans un discours donné au Sportpalast de Berlin le 30 janvier 1942, Hitler déclare :

Le 1er septembre 1939 [sic : 30 janvier 1939], j’ai déjà dit au Reichstag allemand, et je me garde de toute prophétie précipitée, que cette guerre ne tournera pas comme les Juifs se l’imaginent, à savoir que les peuples européens seront anéantis, mais au contraire, que le résultat de cette guerre sera l’anéantissement des Juifs. (Ich habe am 1. September 1939 im Deutschen Reichstag es schon ausgesprochen, und ich hüte mich vor voreiligen Prophezeiungen, daß dieser Krieg nicht so ausgehen wird, wie die Juden sich es vorstellen, nämlich daß die europäischen arischen Völker ausgerottet werden, sondern daß das Ergebnis dieses Krieges die Vernichtung des Judentums wird)

Le 24 février 1942, à l’occasion du 22e anniversaire de la fondation du parti nazi, Hitler fait lire une déclaration à l’Hofbräuhaus de Munich :

Ma prophétie s’accomplira, ce n’est pas l’humanité aryenne qui sera anéantie par cette guerre, mais bien le Juif qui sera exterminé [sens privilégié par PHDN, mais ausgerottet signifie également : éradiqué]. Quoi que ce combat apporte, quelle que soit sa durée, c’est cela qui en sera le résultat final. (meine Prophezeiung wird ihre Erfüllung finden, dass durch diesen Krieg nicht die arische Menschheit vernichtet, sondern der Jude ausgerottet werden wird. Was immer auch der Kampf mit sich bringen oder wie lange er dauern mag, dies wird sein endgültiges Ergebnis sein)

Le 30 septembre 1942, c’est encore au Sportpalast de Berlin qu’Hitler déclare :

J’ai dit deux choses lors de la séance du Reichstag du 1er septembre 1939 [sic : 30 janvier 1939] : […] deuxièmement, que si les Juifs trament une guerre mondiale internationale pour anéantir, disons, les peuples aryens, alors ce ne sont pas les peuples aryens qui seront exterminés [éradiqués], mais les Juifs. […] Naguère, en Allemagne, les Juifs ont ri de ma prophétie. J’ignore s’ils rient encore aujourd’hui, ou si l’envie de rire leur a déjà passé. Mais à présent, je ne peux aussi qu’assurer : partout, l’envie de rire leur passera. Et avec cette prophétie, c’est moi qui aurai le dernier mot. » (Ich habe am 1. September 1939 in der damaligen Reichstagssitzung zwei Dinge ausgesprochen : […] zweitens, daß, wenn das Judentum einen internationalen Weltkrieg zur Ausrottung etwa der arischen Völker anzettelt, dann nicht die arischen Völker ausgerottet werden, sondern das Judentum. […] Die Juden haben einst auch in Deutschland über meine Prophezeiungen gelacht. Ich weiß nicht, ob sie auch heute noch lachen, oder ob ihnen das Lachen bereits vergangen ist. Ich kann aber auch jetzt nur versichern : Es wird ihnen das Lachen überhall vergehen. Und ich werde auch mit diesem Prophezeiungen recht behalten.)

Dans ces discours, Hitler rappelait celui du 30 janvier 1939 (qu’il plaçait par erreur le 1er septembre), preuve qu’il évoquait toujours un anéantissement social (une éradication) de la juiverie.

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[1] Voy. la traduction du discours paru dans La Documentation Catholique, n° 895, 20 avril 1939, col. 502.

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